TEXTES

 

Une saison sur Boréa

 

Par Carine.

Chapitre XII

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  Je découvre ma nouvelle vie : J'imaginais avoir une chambre à moi, j'ai un étage. J'ai également des femmes de chambre et même des gardes du corps, comme Boris. Sophia semble être définitivement mon chaperon, ce qui me remplie de joie tant la jeune fille est agréable. En attendant la fête de l'équinoxe, je ne peux pas mettre les pieds au palais impérial, mon emploi du temps est par contre réglé par ma " mère " et il est toujours bien rempli : Il ne reste que trois semaines avant la grande réception marquant l'équinoxe et je dois être prête.

  

  En fait cela ne me change guère de l'institut. Je me lève en robe de chambre, je prends mon petit déjeuner avec mes " parents ", tous le monde est alors en tenue légère : Un déshabillé vaporeux et transparent pour moi et pour la duchesse, un pyjama de satin pour le professeur qui bavarde gentiment des événements de la veille. Le comportement provocateur de Boris revient souvent dans les conversations.

  

  Ensuite je me baigne, dans une piscine plus que dans une baignoire. Je passe alors entre les mains d'un masseur brun, aussi costaud qu'un pilier de rugby ; puis, je suis parfumée, corsetée, habillée pour le cours du matin. Un cours de danse, un cours d'étiquette, une répétition de la réception, avec des servantes pour figurer le reste de l'assemblée.

  Je déjeune en terrasse, souvent seule, parfois avec la duchesse, ensuite, l'après-midi est libre jusqu'à quatre heures. Je peux sortir si je le désire et je ne m'en prive pas. La soirée est en générale plus intéressante puisque nous sortons régulièrement, soit pour visiter d'autres personnes de la noblesse, soit pour des spectacles de divertissement, soit nous recevons.

  

  New Heaven ne ressemble pas à une ville terrestre. Du moins pas la partie " Rousse et blonde " que je peux fréquenter. Je suppose, d'après mes observations effectuées aux jumelles ; quand je monte sur le toit de l'immeuble de quatre cents mètres de haut pour bavarder avec les soldats de faction autour des batteries anti-aériennes, que les quartiers des gammas et deltas sont plus normaux avec des commerces, des bistrots, des hôpitaux, que sais-je encore. Mais dans notre partie il n'y a rien de cela : Uniquement des parcs et des tours gigantesques. Ce sont les modistes, les bijoutiers, les orfèvres qui viennent dans mes appartements et non l'inverse.

  

  L'après midi je tâche donc de me promener dans les parcs ou le long du fleuve, accompagnée de Sophia et d'un garde du corps nommé Richard.

  _ Richard, Pourquoi devez vous m'accompagner ?

  C'est un grand jeune homme brun qui porte la livrée du duc et un pistolet au côté, il possède également un équipement de communication miniature. Sophia elle, a passé un élégant manteau sur sa tenue de soubrette, manteau qui s'évase comme sa jupe ample.

  _ Vous ne savez pas les dangers qui vous menacent, mademoiselle.

  _ Justement non.

  _ D'abord de jeune noble, ce sont les plus dangereux, ensuite les barbares et enfin les terroristes.

  _ Les nobles ?

  _ Les jeunes nobles. Ordinairement ils vont plutôt dans les quartiers la périphérie, il cherche à faire des choses pas convenables.

  _ Mais si un noble vous demande de partir.

  _ Je ne dois fidélité qu'au Duc et a son Empereur. Répond-il dans un sourire carnassier.

  _ Bon d'accord, et les barbares ?

  _ Ils peuvent attaquer n'importe quand, c'est bien le problème, et ils se posent souvent dans les parcs avant de prendre d'assaut les tours.

  _ Admettons, mais les terroristes, C'est quoi cela ?

  _ Des deltas renégats, qui ne veulent pas servir l'Empereur.

  _ Le système ne fonctionne donc pas toujours. Il y a des sortes de révolutionnaire.

  _ Je ne connais pas ce mot, Mademoiselle.

  

  Je m'approche de la rambarde du fleuve, je ne m'y accoude pas pour ne pas salir mon manteau, je respire les odeurs marines en fermant les yeux, il me semble presque entendre des mouettes.

  _ Cela ne va pas, Mademoiselle ?

  _ Au contraire, ça va très bien, Sophia.

  

  Je regarde les arbres étranges, au vert trop sombre. Le sol est recouvert de large dalle en marbre, entre les bandes de végétation domestiquée. Le jardin est magnifique mais ce n'est pas la saison des fleurs, il fait beaucoup trop froid pour cela. D'autres jeunes filles blondes se promènent comme moi, avec une toque en fourrure sur les tresses de leurs chignons compliqués, avec un manchon en fourrure pour se protéger les mains. Elles glissent autour de moi dans le cliquetis des talons hauts, parfois nous nous approchons l'une de l'autre, croyant nous reconnaître. Bien souvent ce n'est qu'une illusion. Il y a aussi des garçons en uniforme de cadet, de très rares mères de famille entourées d'une cour nombreuse mais Sophia me tient à l'écart d'eux. Comme si un enfant de la noblesse était un élément trop précieux pour que je l’approche ?

  

  Je me rends jusqu'à la volière pour regarder les oiseaux multicolores mais aussi les animaux enfermés dans un petit parc. Puis, je retournerais chez le duc et la duchesse, transportée dans une calèche tirée par deux chevaux, qui seraient vraiment des chevaux s'ils n'avaient pas trois paires de pattes. Je pourrais aussi prendre une nef volante qui m’aurait déposée sur une terrasse en face de ma chambre mais j'ai un peu le vertige dans ces petits engins... L'absence d'aile probablement.

  

  En me promenant à petits pas sur mes talons trop hauts, je guette les rendez-vous romantiques entre les cadets et les jeunes filles de la noblesse impériale. Je suppose que l'hiver avec ses arbres trop nus qui ne font pas écrans, n'est pas propice au rendez-vous clandestin. Une partie des jardins s'étend sur un réseau d'îles artificielles sur le fleuve. C'est très romantique à cause des allées tortueuses et des squares en pierre blanche, qui font comme des figures de proues aux îles. En observant bien, il est possible de surprendre un garde du corps en grande conversation avec un chaperon, alors que non loin un jeune homme et une jeune fille intimidée échangent des mots doux mais sûrement pas des baisers. Hélas c'est très rare et dès qu'ils s'aperçoivent de ma présence, ils s'éloignent l'un de l'autre en faisant semblant de rien, ce qui affole leurs accompagnateurs qui craignent d'être surpris et réprimandés.

  

  Parfois je rencontre des filles que je connais, de l'institut ou de nos réceptions, mais elles sont aussi gênées que moi. Que dire quand on a quatre paires d'yeux qui vous surveillent ? Les soirées sont plus intéressantes pour cela.

  

 

A suivre...

 

 

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