TEXTES

 

Une saison sur Boréa

 

Par Carine.

Chapitre XVIII

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  C'est une équipée bien lamentable, à part Alexis, toujours transformé en bête féroce, qui enjambe facilement la balustrade de la terrasse basse du palais. Piotr l’imite en gémissant et ils doivent nous tirer tant nos tenues nous entravent. Alexis enfonce une porte-fenêtre. Nous sommes dedans mais la situation est tout aussi apocalyptique à l'intérieur du palais : les barbares semblent être en terrain conquis.

  

  _ Regarder !

  

  La nuit a disparu dehors, remplacer par un mur verdâtre qui englobe une partie des flots, du palais et des jardins qui se consument toujours.

  _ Un champ de force. Ils vont tranquillement rassembler les prisonniers et charger leurs nefs maudites.

  _ C'est infranchissable, personne ne viendra à notre secours.

  _ Et une fois tout le fruit des pillages embarqués dans les nefs, ils repartiront et nos soldats n'oseront pas tirer, pour ne pas tuer les nôtres à l'intérieur.

  _ Rien ne peut passer au travers de cette chose ?

  _ Rien que nous connaissons, non.

  _ Alors, restons tranquille, avec beaucoup de chance, ils ne nous remarqueront pas.

  _ C'est ce qu'il y a de mieux à faire, mais ils vont utiliser des détecteurs pour être certain de ne laisser personne derrière eux.

  

  Je ferme les yeux. Finalement cette attaque d'une violence insensée m'a fait revenir dans la réalité pour la première fois depuis longtemps. Je me retrouve avec la même angoisse que dans la forêt primitive, lors de notre arrivée. Je suis là. Je ne vais pas disparaître, je vais peut être mourir. Autant être capturée. Après tout, ce ne sont pas les femmes qui commandent dans les mondes barbares ?

  _ Je ne veux pas y retourner.

  C'est Jade qui me parle.

  _ Pourquoi ?

  J'en viens de là bas, j'étais une esclave, j'ai vu mon père torturé jusqu'à la mort parce qu'il avait osé regarder une maîtresse. C'était mon père et je n'avais pas le droit de l'appeler père parce que j'appartenais à cette femme et...

  _ Jade. Tu vas nous faire prendre. Calmes toi.

  Je la serre dans mes bras. Elle sanglote contre mon visage. Visiblement, les femmes ne commandent pas chez les barbares, cela doit être plus simple que cela. Il y a les maîtresses et les esclaves, des esclaves des deux sexes.

  

  La troisième jeune fille qui nous accompagne a les yeux vides, je la trouve plutôt belle.

  _ Elle a raison, j'en viens moi aussi de là-bas, je travaillais dans les champs, c'est pour cela que j'ai été capturée. C'était le plus beau jour de ma vie.

  _ Ils arrivent, dit simplement Alexis en levant un pistolet qu'il a dû ramasser lors des combats.

  

  Cela va vite et lentement. Alexis tire en avançant vers un groupe de barbares sanglés dans des harnais de cuir, portant des cagoules qui recouvrent leurs visages. Piotr arrête net la charge de son premier adversaire, plantant son sabre court d'emprunt juste au-dessus du nez de l'esclave soldat. Il fauche un second barbare, Alexis lance son pistolet vers nous en évitant une rafale de laser qui enflamme ses cheveux. La jeune fille inconnue s'en saisie.

  

  _ Tu veux que je te tue ?

  Je secoue la tête, elle hoche la sienne, pose le canon contre sa tempe et presse la détente, le trait de feu lui arrache la moitié supérieure du visage, plus rien ne peux me surprendre, pas même cette morte qui tombe sur le côté. Alexis décapite un barbare en s'entourant la tête d'une cape pour étouffer les flammes, Piotr tombe, la jambe droite tranchée au-dessus du genou ; il a le temps de lancer sa lame dans l'oeil de son bourreau, ils se vautrent en même temps sur les dalles de marbre du palais, l'un déjà mort, l'autre rendu à moitié fou par la douleur. Alexis se redresse, renverse une brute aux mamelons percés par des anneaux, en cingle un autre et hoquette de surprise quand un dard le transperce, il pivote pour faire face à la grande femme brune qui vient de l'embrocher comme un poulet. Il brise la fine lame d'un coup de sabre et plante son arme dans le ventre bronzée de la jeune maîtresse, juste au niveau de son nombril recouvert par un bijou. Il la soulève d'une main et la balance sur deux autres agresseurs, un trait de feu l'enveloppe, il bascule, s'adosse à un mur, son bras gauche, son omoplate, la moitié de la poitrine manque. Il est encore en vie, assez pour avancer encore et embrocher celui qui vient de tirer mais il n'a plus de force. Il lâche la poignée de son sabre, il fait encore un pas en avant, le sang coule de sa bouche et de ses yeux. Un barbare veut le décapiter, il n'en a pas le temps, il s'effondre : Piotr a récupéré un pistolet, sa jambe ne saigne plus, il le tient à deux mains, il tire, tire encore et encore puis il s'effondre enfin.

  

  Le cliquetis familier des talons aiguilles, un coup de fouet qui s'enroule autour de ma taille et me tire vers le haut. Je suis entraînée vers une maîtresse furieuse.

  _ Je vais prendre plaisir à te transformer en petite poupée obéissante, hurle t-elle dans mes oreilles.

  « N'est ce pas déjà ce que je suis ? » Ai-je envie de lui répondre. Mais je ne dis rien, tout comme Jade, qui ne pleure plus. Ils ligotent mes poignets dans mon dos, la corde est trop serrée, je dois saigner malgré le gant qui me protège. Des poussées, des coups de fouets, je suis amenée jusqu'à la plage, devant le palais. Deux nefs barbaresques sont prêtes à décoller, posées sur le sable blanc.

  

  _ Boris ?

  

  Il est nu ou presque, dégoulinant d'eau glacée, il tient dans ses mains un fusil gris. Visiblement il vient de nager jusqu'à cette plage, malgré le champ de force.

  

  _ Abattez ce chien d'impérial !

  

  Les traits de feux l'entourent mais Boris est toujours là, campé sur ses jambes, lui aussi porte un bouclier anti-laser sûrement.

  

  Il riposte, je vois un pinceau laser se poser sur le front des gardes juste avant l'explosion inévitable de leurs têtes puis Boris pose un genou à terre et il tire sur un cube gris posé sur le sable, entre les deux nefs.

 

A suivre...

 

 

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