TEXTES - Sophie

 

 

Souvenirs de Sophie

 

 

 

Par Fred Pody.

 

 

XIII

Exploration

 

La journée avait été épuisante. Mais j'avais fini par apprendre à me tenir un peu mieux. Il était effectivement indispensable de se tenir debout, les pieds joints et de fléchir le moins possible les genoux. C'est seulement en respectant ces conditions, que j'avais pu marcher très lentement. Enfin, marcher c'est beaucoup dire, en fait je pouvais faire glisser un pied devant l'autre, à condition que mes pieds ne s'écarte ni à gauche ni à droite. Mes entraves de genoux, ne me le permettant absolument pas. Je devais m'habituer à cette démarche glissante, et extrêmement limitée. Des pas de cinq ou six cm fait avec précaution. Il me fallait un temps fou pour avancer d'un mètre, traverser une salle était une expédition longue et périlleuse. Impossible de ne pas tomber à la moindre perte d'équilibre. La hauteur de mes talons et l'étroitesse de mes entraves aux chevilles et aux genoux ne me permettaient pas de rattraper le moindre faux pas.

Juste après le souper, Delphine et Caroline se retirèrent. Elles avaient toutes les deux du travail, me dirent-elles. Delphine devait préparer mon programme de laçage et Caroline faire préparer d'autres entraves ainsi que l'appareil à cambrer les pieds.

J'étais seul dans le salon près de ma chambre. Ninon avait suivi Caroline.

J'avais une impression d'urgence, demain, avec de nouvelles entraves, je perdrais toute possibilité de réagir. Me lever doucement en évitant de forcer sur les baleines du corset. Me rappeler tous les conseils de ce jour, pour me déplacer sans accident. Ne pas trop fléchir les genoux, ne pas écarter les jambes, glisser un pied devant l'autre très doucement... Ainsi, très lentement, je m'approchais de la porte, les genoux collés en permanence l'un contre l'autre, la respiration courte, le buste raide et l'équilibre particulièrement instable. Cinq minutes d'effort pour atteindre cette porte, le couloir était vide, j'avançais lentement. Quelque mètres plus loin, des escaliers et un autre couloir à ma gauche. Ce très long couloir m'attirait, et le souffle court, les pieds trop cambrés par mes talons, j'avançais toujours, lentement mais j'avançais. Le château était immense, peut être me semblait-il plus grand que réellement. La lenteur de mes déplacements devait fausser mon jugement. Ce couloir n'avait pas de porte, mais sur ma droite, une succession de baie ouverte sur un grand vide sombre.

Un bruit de pas... A deux mètres de moi, un renfoncement sombre, j'avançais le plus vite possible et en nage je pus me cacher derrière une colonne dans un recoin qui donnait sur un balcon. Un balcon qui devait surplomber une très grande salle.

Les pas menus s'approchaient, mais bizarrement, il me fallut attendre longtemps pour que ces pas précipités passent devant moi. Une jeune fille marchait très lentement, bien droite, elle semblait avancer en glissant sur le sol, seul le bruit rapide de ces pas trahissait la marche. Sa robe longue étaient sombre, la taille incroyablement fine, le buste droit, mais ses bras? Elle n'avait pas de bras! Elle passait lentement devant moi sans me voir. Porte t'elle les mêmes entraves sous sa robe? Si elle avait marché normalement, je n'aurais jamais eu le temps de me cacher. Je décidais de poursuivre mon exploration.

Au bout du couloir, une porte entrouverte donne sur une salle avec un large escalier qui montait à l'étage. J'aimerais monter, Quoi de plus simple que de petites marches? Mes genoux implacablement collés l'un contre l'autre m'interdisent de monter la première marche. Je me place de profile le plus près possible de la première marche, et sans pouvoir décoller mes genoux, je lève une jambe en arrière, essayant de poser le pied sur la première marche, mais mes entraves manque de me faire tomber, et c'est in extrémiste que je me rattrape à la rambarde. Après de multiples contorsions, je parviens enfin au sommet de la première marche. Il en reste tant... je renonce et préfère redescendre avec mille précautions ma petite marche si durement escaladée.

La salle ou plutôt ce grand hall est splendide. Dorure sur stuc blanc, un peu rococo. Parquet luisant, hautes fenêtres donnant sur le parc plongé dans la nuit. Le hall est vide, pas de mobilier, pas de chaise ou de fauteuil. Vide, excepté un piano droit contre un mur...

Du bruit! Des pas rapides, vite, j'aurais sûrement le temps... une porte s'ouvre... un cris

-- Qui êtes-vous!

Je ne connaissais pas cette voix, vite, retourner au couloir...

-- Restez ou vous êtes et ne bougez plus!

-- Que se passe t'il ici!

Ho zut, la voix d'Isabelle

-- Une jeune fille dans le hall, Madame.

-- Qui est-ce?

-- Je ne sais pas! dit la grosse voix.

Et Isabelle entra... j'étais figée, immobile au milieux du hall. Pétrifiée autant par mes entraves et mon corset que par la peur d'avoir été découverte.

Isabelle ordonna à cette dame de nous laisser seul, et elle s'approcha de moi. Sa démarche était souple et élégante, pourtant elle portait une robe incroyablement étroite qui donnait l'impression d'être ligotée jusqu'à mi mollet. Elle s'avançait sans que ses cuisses ne s'écartent d'un cm, ses pieds faisaient onduler de façon charmante le bas de sa robe étroite.

-- Bonsoir Sophie. Je devrais être en colère, mais non, tu ne me gâcheras pas la soirée. Tu vas retourner dans ta chambre, sans faire d'histoire.

Inutile de discuter, le ton de sa voix ne me laissait pas le choix.

Il me fallut trois quarts d'heure pour rejoindre ma chambre. La forte dame qui m'avait surpris dans le hall, m'attendait avec Ninon.

-- Déshabillez vous mademoiselle! Vous pouvez garder votre pantalon de dentelle.

Je fis le plus vite possible. La dame était sévère et sûrement d'une très grande force, quand à moi, j'étais épuisée, à bout de souffle, et de toute façon, entravée de telle sorte, qu'il m'était impossible de résister.

-- Voilà, je suis déshabillée.

Déshabillée? J'étais en corset que je ne pouvais pas l'enlever sans la clef de la ceinture, de même pour mes bottines à hauts talons, pris dans les bracelets cadenassés de mes chevilles.

C'est alors que je remarquais un grand cerceau métallique posé contre le mur. Il était presque aussi haut que la dame.

En le regardant mieux, c'était deux cercles concentriques, réunis par de nombreuses barres d'acier. Le cercle central était traversé par une grosse barre qui le partageait en deux suivant le diamètre. Quatre chaînes d'acier partaient du cerceau et étaient soudées à une ceinture métallique, équipé d'une serrure.La dame posa le double cerceau à plat sur le sol.

-- Approche toi! Me dit-elle. Place toi au centre, les pieds de part et d'autre de la barre centrale! Lève les bras!

La dame, sortit une petite clef et m'enlevât ma ceinture métallique, mes entraves de cheville et de genoux.

La dame commanda à Ninon de soulever le double cerceau le plus haut possible.

-- Tenez le cerceau bien haut!

La barre centrale du cerceau se plaquait plus insidieusement contre mon fondement.

La dame, m'enlevât ma ceinture métallique pour aussitôt la remplacer par la ceinture des cerceaux. La nouvelle ceinture se serra sur moi quand elle fit jouer une clef dans le mécanisme de serrage. Le cerceau m'entourait complètement au niveau de mes hanches.

Ensuite, elle m'attacha de nouveaux les chevilles. Mes genoux furent également entravés avec les nouveaux bracelets d'or fait à mon nom.

-- Voilà Mademoiselle, avec cet équipement, vous aurez moins envie de vous promener n'importe ou! Dernière information: Excepter les portes réservées au service, toutes les autres portes du château sont à double battants. Quand elles sont entièrement ouvertes, le passage est de deux mètres. La porte d'entrée de votre suite aura un battant de bloqué. Ainsi, avec votre cerceau métallique d'un mètre et demis, vous ne pourrez plus sortir de votre suite, et encore moins vous faufiler par les portes et couloir de service.

J'étais pétrifiée, cet engin avait un poids énorme, je pouvais à peine toucher du bout des doits le grand cerceau. Les mouvements de toute cette ferraille étaient incontrôlables. Chaque balancement se répercutait sur mes hanches, mais aussi sur cette horrible barre qui me passait entre les jambes, et frottait contre mon fondement.

-- Ninon! Suivez moi, j'ai quelques consignes à vous communiquer! dit la dame avec autorité.

-- Madame, c'est horrible. Lui dit-je. Vous ne pouvez pas me laisser ainsi. C'est trop lourd, et bien trop grand...

-- Taisez-vous, il existe des cerceaux bien plus pénibles à porter. Vous pourriez y goûter si vous ne changez pas d'attitude!

Et elle parti sans plus rien ajouter. J'avais ce cerceau d'un mètre et demis autour des hanches, un cerceau d'acier cadenassé, qui avait été conçus pour ne pas pouvoir être enlevé sans la clef.

Bon sang, je voulais simplement explorer un peu mon environnement. J'en avais plus qu'assez d'être enfermée. Ce déplacer avec cet engin qui balançait dans tous les sens, et cette barre... ho cette barre entre les jambes, elle me... C'était... horrible. Non pas horrible... Plutôt... J'avais chaud, très chaud. Penser à autre chose... Mais quoi... Le cerceau, les portes...

La porte de mes appartement était ouverte, du moins un battant. Il fallait absolument que je me rende compte par moi même et je m'avançais à petit pas vers la porte. Evidement, il ne m'était plus possible de m'approcher de la porte. Le cerceau était beaucoup trop large pour passer. Mais peut-être est-il possible de passer en se penchant ou en s'inclinant sur le coté. Tous mes efforts furent vains. La solution la plus proche, aurait été d'essayer de sortir en se plaçant de profile, et en se courbant au maximum. Hélas, mon corset me l'interdisait formellement, j'avais beau forcer sur les baleines, elles étaient beaucoup trop rigides. Mes efforts faillirent me faire tourner de l'oeil. La chaleur de plus en plus forte, et cette barre insistante... C'est en nage, épuisée que j'abandonnais. Cette dame avait réussi à m'enfermer dans ma suite, malgré une porte ouverte. Je me rendis compte que tout le monde pouvait entrer ou sortir sauf moi.

J'étais à bout de souffle, vite, m'asseoir. Où? Avec cet énorme engin! Le fauteuil, il n'en était pas question. Une chaise, peu être. Mais ma tentative de m'approcher d'une chaise fut un échec, elle se renversât, le dossier poussé par le cerceau. Je fis une autre tentative en bloquant une autre chaise contre un mur, elle me devenait alors inaccessible. Il restait le tabouret de piano. Heureusement qu'il n'avait pas été repoussé contre le piano, avec mon cerceau, je n'aurais jamais pu l'atteindre. Le cerceau passait au dessus du tabouret, et je pus ainsi m'asseoir. Ho! La barre entre mes jambes, elle s'insinuait entre mes fesses... Reprendre mon souffle, bien que ma situation ne soie pas très confortable.

La porte de ma chambre était de l'autre coté de la pièce. M'y rendre sera long, mais ne devrait pas poser de problème, la porte était très large.

Rester assis sur cette barre fut vite pénible. J'entrepris d'explorer mes appartements avec le cerceau.

Une exploration lente. Mon petit univers prenait de nouvelles dimensions. Le cerceau m'obligeait à me tenir éloigné de tout, de la table, du piano, du buffet, de tout ce qui était plus haut que mes hanches. Cela m'obligea à contourner la table par le coté le plus dégagé. L'accès à la salle de bain et à ma chambre ne posait pas de problème. Les portes doubles étaient ouvertes. Mais le passage de ma chambre vers la salle de cours de maintient était beaucoup trop étroite pour que je puisse passer. Je n'avais donc plus accès à cette salle et à l'escalier qui en partait.

Delphine ne pourra plus me faire descendre par cet escalier qui était devenu également trop étroit pour moi. Je crains que mes promenades nocturnes avec Delphine me soient interdites, tant que je porterais ce cerceau d'acier.

Je m'assis sur le bord du lit, et voulus m'étendre. Mais comment m'étendre dessus avec mon cerceau?

Ninon ne devrait plus tarder. Elle m'aidera, il faudra bien qu'elle m'enlève mon corset et cet horrible cerceau, sans cela, comment me laver avant le coucher.

 

 

 

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