Miss Hauts Talons Ch V

Par Bernard Valonnes

1930

Extrait du livre Miss Hauts Talons. Chapitre V.

Monsieur Adrian, et bientôt Mademoiselle Adrian va devenir Miss Hauts Talons.

Elle découvre le plaisir de porter des dessous féminins, des chaussures à hauts talons et le port d'un corset bien serré.

Un bijou de littérature érotique des années 30, 1930.

Avertissement

Texte à caractère érotique et sexuel.

Miss Hauts talons

V - Les dessous féminins -

Je rentrai à la maison vers midi et rencontrai Elsie dans le corridor; elle paraissait avoir complètement oublié sa colère de la veille et ses yeux brillèrent lorsqu'elle me dit

Oh! Adrian, je suis si contente! Vos menottes viennent d'arriver et il me tarde de vous les voir aux mains.

Je commençais à regretter d'avoir consenti à me soumettre à tout cela :

-- Elsie, j'ai bien réfléchi, ces menottes ne seront pas du tout à leur place et feront ressembler cette cérémonie d'inauguration à une farce de très mauvais goût.

-- Ceci ne regarde que la princesse, en attendant, venez vite déjeuner.

A peine me donnat-elle le temps de manger.

-- Ma femme de chambre vous attend...

je répondis en rougissant que j'allais fumer une cigarette; après un instant d'hésitation, elle me laissa seul dans la salle à manger. Mais j'étais bien trop agité pour rester à fumer tranquillement, surtout quand j'entendis des éclats de rire et des applaudissements. J'ouvris la porte et je reconnus les trois jeunes filles, Violet Silchester, Cynthia Felham, Celia Parley avec Jane Silver, la jolie fille qui m'avait couché la veille. En me voyant, elles arrêtèrent leur accès de gaîté, mais fort difficilement.

Je ne m'occupai pas du tout de cette vilaine Jane et traversai pour gagner ma chambre. La femme de chambre d'Elsie, une jolie et gracieuse petite française, n'y attendait.

Votre bain est prêt, dit-elle avec un charmant accent.

Au même moment, la porte s'ouvrait et Jane Silver paraissait, portant un plateau sur lequel reposaient, délicatement jolis, toutes sortes de jolis vêtements de dessous en dentelles, garnis de rubans et de fleurs.

-- Miss Elsie vous envoie ces fanfreluches avec ses compliments et vous prie de les mettre.

Francine, la femme de chambre, poussa un petit cri de plaisir, en me montrant un ravissant pantalon de femme en linon soie, c'était le même que Jane m'avait déjà montré.

-- Moi, je dois mettre cela ? Demandai-je, rouge de confusion.

-- Oui, vous devez le mettre, dit-elle avec un sourire triomphant, et vous verrez que vous serez absolument délicieuse, Mademoiselle Adrian.

-- Je ne suis pas Mlle Adrian, m'écriai-je

J'étais honteux de penser que c'était ce joli petit vêtement vaporeux qui était la cause de l'hilarité de ces demoiselles. Elles savaient que toute cette jolie lingerie m'était destinée, Elsie le leur avait dit. J'étais terriblement humilié, et cependant!!! Comme Francine insistait pour me montrer ces jolis froufrous de dentelles et de rubans, une sensation délicieusement sensuelle entrait tout à coup en moi. Oui, je les mettrai ! Je serai même heureux de les mettre et ravi que l'on me force à les mettre ! Les rêves étranges qui m'avaient si souvent hanté étaient enfin réalisés: être obligé, par une jeune fille, de mettre une chemise et un pantalon de femme, comme punition de mon impatience, c'était bien le commencement rêvé.

-- Et voilà la chemise assortie, s'écria Francine, mais quel dommage que vos culottes ferment aux genoux, on devrait voir ce coquet nuage de dentelles mousser autour de vos jambes, ce serait charmant, surtout avec de jolis bas de soie noire !

Je passai dans la salle de bain, poursuivi par leurs éclats de rire. Un bain chaud et parfumé m'attendait; je m'y plongeai avec plaisir, mais une autre surprise m'était réservée : la pâte blanche que Miss Bullivant avait appliquée la veille et enlevée le matin en me massant, avait bien fait son travail : je n'avais plus un poil sur tout le corps, excepté sur la tête! A travers la vapeur du bain, j'apercevais mes jambes, mes bras, mes cuisses, le tout très blanc et poli comme du marbre.

-- Dépêchez-vous, me dit Francine, en entrant et mettant toute ma nouvelle lingerie sur une chaise à côté de moi; essuyez-vous, mettez toutes ces jolies choses, Mademoiselle Adrian, vous n'avez pas de temps à perdre si vous voulez être prêt pour l'exposition florale.

Je m'essuyai avec une grande serviette bien chaude, je passai la chemise sur ma tête et j'attachai le pantalon avec un ruban autour de ma taille. La dentelle froufroutait joliment autour de mes jambes et de mes seins ronds et blancs comme ceux d'une toute jeune fille. Je me rappelle encore aujourd'hui le plaisir que j'éprouvais à sentir ces choses exquises m'envelopper. C'était si fragile, si frais, si délicieux à regarder.

Je mis un peignoir sur moi, mes pieds dans de jolies pantoufles et retournai dans ma chambre. Francine avait préparé tous mes nouveaux vêtements sur mon lit pendant que je prenais mon bain. Je regardai tout curieusement et aperçus de longs bas de soie noire, de brillantes boucles de jais finement taillé, des gants blancs glacés souples et délicats, et toutes sortes de jolies choses que je n'avais pas le temps d'examiner.

Sur le tapis, il y avait une paire de petits souliers vernis, avec talons brillants, qui semblaient bien hauts pour l'époque.

-- Venez vous asseoir ici, Mademoiselle Adrian, dit Francine en me désignant une chaise devant la toilette. Je vais vous friser, les fers chauffent.

Je m'assis, mes cheveux étaient très beaux, très brillants, comme des cheveux de femme. Francine, de ses doigts adroits, les brossait frisait, et ondulait jusqu'à donner à mes traits une apparence vraiment féminine.

Jane était à côté de moi, donnant son opinion sur une boucle par-ci, une frisure par là, mais ne me consultait jamais, comme si j'avais été un joli petit animal quelconque, qui n'a qu'à se laisser bichonner, mais qui n'a rien à dire.

-- Ses cheveux sont superbes, dit Jane, à quoi Francine' répondit :

-- Cela n'est pas étonnant, voilà 18 mois que Miss Bullivant lui masse et frictionne la tête, matin et soir, pour arriver à ce résultat, aussi est-il très fier de sa chevelure et la laisse-t-il pousser. En tout cas, Miss Elsie ne lui aurait pas permis de la couper, je le sais.

En entendant cette remarque, un soupçon, pour. la première fois, me traversa l'esprit : Quel motif faisait agir Elsie ? Je me rappelais Hérodote qui raconte comment Mithridate, après avoir vaincu les Perses, et pour éviter une nouvelle guerre avec ce peuple, s'appliquait surtout à les efféminer. Se pourrait-il qu'Elsie usât du même procédé ? La façon rapide avec laquelle Miss Bullivant avait développé mes seins, ainsi que d'autres mystères, s'expliquaient alors. Si cela était, tout, devenait clair... Elsie était pauvre, moi, j'étais riche. Supposons que nous -soyons rivaux pour la même fortune, pour le même héritage, et que grâce à ma qualité d'homme, je remporte la victoire; se pourrait-il qu'avec des sourires charmants, elle essayât de renverser ce résultat en employant la manière de Mithridate ?

Entre les mains de Francine, ma figure devenait de plus en plus jolie, mais s'efféminait. Finalement, faisant quelques pas en arrière, elle me poussa devant la glace; elle m'avait fait une raie un peu de côté, mes cheveux étaient ondulés et frisés divinement, ils brillaient comme de la soie.

-- Charmant, charmant! disait Jane avec enthousiasme.

-- Mais il manque encore quelque chose, disait Francine.

Et vite, elle traversait la chambre et choisissait, dans un vase plein de fleurs, une magnifique rose Maréchal Niel, qu'elle posait dans mes cheveux, avec son goût habituel, juste un peu au-dessus de l'oreille.

-- Cette fois, c'est délicieux, s'écria Jane, en battant des mains, et si maintenant ses boucles lui tombaient dans le dos, ce serait la perfection.

-- Mais je ne veux pas de fleurs dans mes cheveux, M'écriai-je, c'est trop efféminé.

-- Pas du tout, Miss Adrian, attendez que vous soyez habillé et chaussé, vous verrez alors comme c'est seyant et bien approprié.

Elle m'offrit mon peignoir et, -me laissant en chemise et pantalon, me fit asseoir près du lit.

Alors, s'agenouillant devant moi et m'enlevant mes pantoufles, elle me mit de beaux bas transparents, en soie noire, qui montaient jusqu'aux cuisses. Après m'avoir donné un chausse-pied en argent, elle me montra les petits souliers que je devais mettre. Je n'avais jamais rien vu d'aussi joli. Ils étaient d'une 'coupe exquise, faits du cuir le plus fin, le plus souple, très brillant et doublé de satin noir. La courbe sous le haut talon était d'une élégance suprême; en arrière, ils montaient un peu haut sur la jambe, le bout était très pointu et très étroit, garni de jolis noeuds en velours, attachés par des boucles en diamants qui brillaient de mille feux.

-- je ne' pourrai jamais mettre cela, dis-je en rougissant jusqu'à la racine des cheveux (mais j'avoue que dans mon for intérieure ne demandais qu'à les chausser immédiatement). Ils sont beaucoup trop petits pour moi.

-- Oh! non, ils sont faits à votre mesure et spécialement pour vous, Miss Adrian, par le meilleur cordonnier pour dames de tout Londres.

-- Mais les talons sont trop hauts, même pour une femme.

-- Ce que vous dites là est ridicule, mettez tout de suite ces souliers, dit Francine.

Je pris le chausse-pied et commençai à mettre ces jolies chaussures.

A partir de ce moment, j'étais vaincu, j'étais sous le charme. Ces souliers m'allaient parfaitement, juste assez serrés, pas trop cependant et très légers; il me semblait que je pourrais danser pendant des heures, sans fatigue. La sensation des talons très hauts était inimaginable; ils donnaient vraiment l'impression d'être luxueusement chaussé. Je regardais scintiller les boucles attachées aux noeuds de velours; mes pieds paraissaient encore plus petits et plus jolie; mes chevilles, naturellement fines, semblaient, encore plus délicates à travers les mailles des bas diaphanes. Vraiment j'aimais tout cela, et réellement j'allais me présenter ainsi en public... devant ces dames et leurs invités... Je m'avancerais sur une plate forme très élevée, vers la princesse, portant un bouquet dans mes mains gantées, mais attachées ensemble !

Je respirais avec effort en pensant à tout cela, car l'un après l'autre mes désirs se réalisaient. C'était comme si j'avais rêvé à haute voix et que Elsie et Miss Bullivant, ou quelqu'un à leur dévotion m'avait espionné et entendu.

Combien de fois dans mon attente fiévreuse, n'avais-je pas imaginé une heure comme celle-ci et surtout comme l'autre, heure suprême, celle qui sonnerait pendant l'exposition.

Mais le luxe de la réalité surpassait le rêve.

J'étais là, dans ma chambre, le soleil et les parfums des fleurs d'une belle journée de printemps entraient par les fenêtres ouvertes. En voyant mon pantalon et ma chemise de femme, mes seins s'enflaient et se raidissaient. Je regardais avec plaisir mes jambes, mes chevilles et mes jolis pieds, tout cela était là présent; ce n'était plus un rêve Mais bien la réalité palpable et prouvée par ce joli accoutrement de jeune femme : bas de soie, souliers à hauts talons et toutes ces choses aimables, gracieuses, si agréables à porter. Oh ! Je n'avais jamais imaginé un pareil plaisir!...

-- En voilà assez, Miss Adrian ! disait Francine en interrompant les réflexions qui M'absorbaient; vous avez contemplé vos pieds pendant assez longtemps. Donnez-moi vos bras et elle me montrait de très longs gants blancs glacés.

-- Mais, lui dis-je, Elsie m'avait assuré que je porterais bien des gants de femme, mais à six boutons seulement.

-- Ce sont des gants à six boutons, petite sotte; répondit-elle; mais les gants Mousquetaire montent très haut sur les bras et ont des boutons au poignet seulement. Maintenant, Miss Adrian, tendez-moi vos bras et restez assise sagement ; mettez vos genoux, vos chevilles et vos talons bien ensemble, afin que je puisse les attacher.

Elle disait cela de la façon la plus naturelle du monde, pendant que je m'écriais, rouge de confusion

-- Attacher mes chevilles ensemble ?

-- Certainement... Les jeunes garçons efféminés, une fois habillés avec des bas, des souliers et des gants de femme par la personne qui en a la responsabilité, doivent apprendre à obéir, ou bien ils sont punis.

J'obéis donc, et tendis mes bras.

-- Comme ils sont jolis et blancs, dit Jane.

-- N'est-ce pas ? répondit Francine; Miss Bullivant a bien travaillé et mérite une décoration.

Elle commença à me mettre mes gants, les passant adroitement sur mes mains bien soignées, et les lissant sur mes bras, qu'ils moulaient dans un souple fourreau glacé. Je n'aurais pas cru que l'on pût y arriver sans les déchirer, mais la peau en était fine et souple comme de l'élastique.

-- Comment trouvez-vous toutes ces choses délicieuses ? disait Francine, tout en enfermant mes poignets dans leur blanche prison; n'est-ce pas que cela va bien avec vos bas et vos souliers ?

-- Oui, vraiment, .murmurai-je, en regardant mes mains et mes bras.

Les gants dépassaient le coude, il étaient bien serrés et absolument immaculés. On aurait dit que j'avais été fait pour eux.

-- Vous voyez bien, que vous étiez fait pour porter des gants et des souliers de femme !

Ah ! ou étaient mon ambition et ma résolution de me faire une carrière diplomatique ? Je répondis avec un sourire enchanté !

-- Vous avez raison de me piquer une fleur dans les cheveux.

-- très bien, dit Francine. Maintenant, tenez-vous debout, que je vous mette votre corset.

-- Un corset! Un corset de femme ?

-- Certainement, répondit-elle froidement.

-- Mais cela se verra sous mes culottes, et tout le monde saura que je porte un corset de femme!...

-- Miss Elsie veut qu'on le sache, vous comprenez, les salons seront remplis de dames et de messieurs du voisinage et même de Londres, tous venus pour voir les femmes obtenir la haute main dans les affaires et le droit de vote. Ce sera un véritable triomphe pour Miss Elsie que de montrer le jeune maître du Domaine Curle, si riche et aussi connu pour son arrogance et ses mauvaises manières que pour sa beauté, habillé en homme-femme, conduit et dirigé par les lacets d'un corset.

-- Je ne le mettrai pas, répondis-je.

Car un instinct me disait que c'était maintenant ou jamais que je devais me défendre, et que ces goûts luxueux, ces sensations extraordinaires que ces filles provoquaient et cultivaient chez moi sous la surveillance d'Elsie, étaient dangereux pour mon avenir.

A ce moment, je ne supposais pas à Elsie ces plans diaboliques et cette très haute opinion d'elle-même, que j'appris à connaître plus tard. Je la prenais seulement pour une jeune fille bizarre et exigeante, aimant à avoir de jolies figures et de belles toilettes autour d'elle. je croyais que cela froissait ses goûts de voir des choses inélégantes, quand il était si facile d'avoir tout pour plaire autour de soi.. C'est un caprice seulement, me disais-je. Mais quelque chose me conseillait d'arrêter là mes concessions, de ne pas mettre de corset; et cependant!!! J'aurais aimé le mettre, mais je ne voulais pas céder à sa domination.

A ce moment, M. Melville, le couturier bien connu, entrait dans la chambre avec sa longue redingote mauve, ses grandes manchettes et ses bottes vernies.

- Comment va notre beau jeune homme ? dit-il en me regardant et se frottant les mains avec satisfaction.

Ah ! charmant, charmant, cette fleur dans les cheveux fait vraiment très bien.

- Miss Adrian refuse de mettre son corset, dit Fancine.

M. Melville leva les mains au ciel :

- Cela n'est pas possible, mais vous avez eu le même ennui avec les souliers, me dites-vous, et maintenant je suis sûr que Miss Adrian (quel joli nom, et comme il lui va bien !) comprend que nous avons eu raison de commander ses souliers chez un cordonnier pour dames, à Londres même, qui certainement les a réussis beaucoup mieux que 1e campagnard qui a fait

les horreurs qu'il avait aux pieds précédemment.

- Je ne mettrai pas. de corset, dis-je.

- Allons, allons, regardez, Miss, Adrian, vos jolis souliers, laissez-vous persuader, et remettez-vous en entièrement à moi.

- Je ne suis pas Miss Adrian et je ne mettrai pas de corset, dis-je fermement.

A ces mots, M. Melville bondit d'indignation :

- Votre costume a été fait pour être porté avec ce corset et je ne permettrai jamais que vous le mettiez sans lui; non, non ! Miss Adrian, vous serez corseté avant de quitter cette chambre, et vous me remercierez à genoux d'avoir insisté.

Avant que je n'aie eu le temps de répondre à cette insulte, Francine avait pris sur le lit un mignon petit corset en satin blanc, garni de dentelles ; elle le tenait devant moi, et en le regardant, je sentais toutes mes résolutions faiblir. Il était vraiment charmant, pas long du tout, avec deux jarretelles et des agrafes en argent, qui brillaient au soleil et tintaient si on les secouait. J'aurais bien voulu le mettre, mais je ne voulais pas céder.

- Ce sont seulement les femmes, qui portent corset! m'écriai-je.

- Oh! non, répondit M. Melville en souriant, il y a beaucoup de jeunes gens efféminés qui, tous les jours se font lacer et serrer dans un corset, par leur soeur, mère ou tante et ils ont l'air très élégant, quoiqu'ils n'aient pas votre jolie taille. Réellement, si cela dépendait de moi, j'obligerais tous les jeunes gens de bonne famille à porter des souliers à hauts talons et un corset.

Presque sans m'en apercevoir je m'étais laissé faire et le satin entourait ma taille; j'en avais besoin pour soutenir mes jolis seins de fille. Quelle sensation agréable ! Je fermais les yeux, je ne savais plus, tant mon trouble était profond et visible. Je sentais des mains qui attachaient mes bas le long de mes cuisses ; Francine était d'un côté, Melville de l'autre, très occupés à tirer mes jarretelles.

- Voilà qui est splendide! s'écria Francine avec enthousiasme ; nous allons maintenant vous lacer.

- Oh non !... je vous en prie.

- Assez de protestations, Miss Adrian! lança Melville. Mettez-vous debout, joignez bien les talons et tenez-vous droit ; sans quoi vous serez puni.

II plaçait lui-même mes pieds dans la, position voulue et me donnait, en manière d'avertissement, quelques petites tapes sur mes jambes à peine couvertes par la soie transparente. Ses manières devinrent tout à coup brutales, il ne me flattait plus, il me donnait des ordres. Et moi, Adrian Curle, je ne disais rien, quoique ces ordres fussent donnés en présence de Jane et de Francine. La magie du corset avait produit cette défaillance...

- Retenez bien votre respiration et ne bougez plus !

J'obéis pendant que, derrière moi, Francine serrait les lacets. En face de moi, s'offrait une grande glace, dans laquelle je voyais ma taille s'affiner de plus en plus. je cédai alors à une influence langoureuse et j'eus conscience d'appartenir en ce moment au sexe féminin.

Les lacets me serraient de plus en plus :

- Je ne puis plus respirer, dis-je.

- Ce n'est rien répondit Francine toute essoufflée.

0 Corset! Véritable symbole de la femme, gracieux et léger, en dentelles et satin, mais en dessous fort et solide comme une main d'acier !. J'étais enchanté, malgré qu'il me fit bien mal ; j'adorais ce sentiment de faiblesse ou d'impuissance qu'il apportait avec lui.

Quand Francine eut fini de serrer les lacets, ma taille ne mesurait plus que 5o centimètres.

- Maintenant, C'est très bien, dit M. Melville après l'avoir encore un peu ajusté sur mes cuisses.

je protestai que c'était beaucoup trop serré, que je ne pouvais plus ni respirer ni me baisser.

- Personne ne vous le demande et ceci est là caractéristique du corset ; il oblige les jeunes gens à être gracieux et vifs, dit-il en se baissant pour raccourcir mes jarretelles et, prenant ma jambe droite : tendez-la bien, Miss Adrian, les doigts des pieds bien en avant et les talons légèrement soulevés de terre ; remuez le pied doucement, gentiment, de façon à enlever les plis des bas, car je crois que Miss Elsie vous punirait sévèrement si vous aviez des plis sur les jambes.

Sous sa direction, j'arrivais de plus en plus à tirer et à remonter mes bas ; plus j'y réussissais, plus ma peau paraissait blanche à travers les fines mailles et plus elle contrastait élégamment avec le vernis brillant de mes souliers. Enfin il ne resta pas un seul pli à mes jambes, pas même au genou.

- Tout est très bien, dit M. Melville en me regardant attentivement.

Alors, une chemise d'homme, blanche et empesée, fut passé sur ma tête et boutonnée avec des perles ; la seule note féminine en était un petit jabot de dentelle sur le devant. Les manches, plutôt courtes, avaient de grandes manchettes bien raides et laissaient mes poignets, avec leurs gants de femme, bien à découvert.

- C'est pour bien montrer les menottes, dit Francine, en boutonnant les manchettes avec de gros boutons en brillants.

Je devins tout rouge, j'espérais que cette particularité de mon costume resterait ignorée de M. Melville ; mais il n'eut même pas l'air surpris et regarda tout cela très naturellement ; puis on me mit un faux col très haut, aux pointes rabattues et une cravate blanche ; c'était naturellement une cravate de soirée en mousseline blanche, mais, comme tout le reste de mon costume, elle avait une allure féminine : elle était plus large que d'habitude et était garnie, à chaque bout d'une petite dentelle.

- Maintenant, voici la culotte!

Une nouvelle surprise m'attendait.

- Elle est en velours ? m'écriai-je.

- Naturellement ; rappelez-vous qu'une princesse royale inaugure l'exposition. Vous serez un de ses pages et pour cette raison, habillée de velours.

Ma culotte était faite de cette étoffe superbe et boutonnée à chaque jambe par trois gros boutons en diamants ; d'autres boucles en brillants la serraient aux genoux. je n'avais jamais porté de velours et je trouvais l'effet prodigieux ; ses reflets chatoyant et doux me remplissaient de sensations merveilleuses. Bien serrée et collante, ma culotte moulait parfaitement. mes hanches ; Jane et Francine fermèrent boutons et boucles. Ce fut le tour du gilet de satin blanc, coupé de façon à bien souligner ma taille corsetée, et orné de boutons luxueux. M. Melville était tout joyeux:

- Vous verrez l'habit dit-il, c'est le triomphe de mon art ; et il le sortait d'un papier de soie avec précaution.

C'était admirable, coupé comme un habit de cour et fait du même velours que la culotte ; les manches assez courtes montraient bien les belles manchettes blanches ; les parements étaient ornés de boutons sertis des mêmes pierres précieuses que les boucles ; le devant était garni de même ; le tout était doublé de satin blanc. Un ruban qui passait sous les bras, cintrait le

dos, faisait ressortir la courbe de ma taille et donnait à tout cela l'élégance qui faisait le cachet de tout le costume. Par une subtilité du dessin, on avait placé au bas du dos un énorme noeud de satin noir dont les ailes se voyaient de chaque côté, non pas raides, mais gracieuses et souples, d'une fragilité vraiment féminine.

D'un air triomphant, M. Melville prononça :

- je vous présente Miss Adrian Curle, le plus joli et le plus étonnant des hommes efféminés d'Angleterre.

Il me conduisit devant un grand miroir et je ne me lassai pas de regarder la mince et gracieuse silhouette que j'y voyais. Etait-ce bien moi ? De mes cheveux blonds frisés, jusqu'à mes souliers, tout était bien comme je l'avais toujours vu dans mes rêves, aujourd'hui dépassés par la réalité.

- Il y a encore une petite cérémonie à accomplir, Miss Adrian dit-il, en plaçant devant moi un coussin de satin noir. Agenouillez-vous, s'il vous plaît.

Je reculai de surprise... Me mettre à genoux devant un couturier, moi, Adrian Curle

- Jamais de la vie, dis-je.

- Assurément, il va me falloir insister, dit-il de sa voix mordante en me regardant avec des yeux qui me faisaient peur. A genoux, ou je vous y obligerai, et vous n'aimerez pas cela.

Je lui tournai le dos dédaigneusement. Au même moment, il tira mes bras en arrière et tint mes poignets bien serrés, il était beaucoup plus fort que je ne le supposais, et moi, corseté, serré dans mes souliers, dans mes vêtements, j'étais impuissant entre ses mains.

- Que l'on me donne un ruban, et j'apprendrai à cette impertinente créature à obéir!

Jane, immédiatement, lui tendit un solide ruban. Il tint sans difficulté mes deux mains dans une des siennes et de l'autre il les attacha ensemble en serrant fort.

Je me sauvai dé qu'il meut lâchée mais que pouvais-je faire les mains liées derrière le dos ? Avec effroi je le vis aller vers un mur où se trouvait accrochés une petite cravache en peau de rhinocéros, qui m'appartenait et dont la poignée était or et écaille.

Oh !... il n'osera pas, lui, un simple couturier!

Mais au même moment, je me sentis saisir par le bout de l'oreille ; la pinçant fortement, il me conduisit à l'autre bout de la chambre; je ne pouvais que me soumettre.

- Nous verrons bien, si, en torturant ces jolies jambes, on n'obligera pas notre jeune et arrogant ami à plus d'humilité. Je vous montrerai que les jeunes gens ayant des jambes de femme et habillés de velours peuvent être facilement mâtés s'ils sont insolents.

Il me fit asseoir sur le bord du lit et se baissant, il pris sous son bras gauche d'abord une de mes jambes, puis l'autre, et, avec ma propre cravache il me cingla cruellement. Ce fut d'abord sur les mollets, puis levant le fouet au-dessus de sa tête, il me faisait souffrir par anticipation, pendant que mes pieds, si jolis, et si bien chaussés, en se tordant pour éviter les coups, faisaient étinceler mes boucles de diamants. Puis la cravache,fouettant mes chevilles, arrachait un cri à la pauvre victime habillée de velours.

- Oh ! comment pouvez-vous faire pareille chose ?

M'écriai-je, jamais avant ce jour un fouet ne m'a touché

- Pour votre malheur, fit Jane, si, alors que vous étiez à l'école on avait puni vos impertinences et vos prétentions, nous n'aurions pas besoin maintenant de vous transformer en fille.

Je la regardai très étonné. Se pourrait-il donc que mon rêve s'accomplit avec cette précision, ou bien Jane voulait-elle seulement m'effrayer ?... Un autre coup de cravache me fit oublier tout et je tombai sur mon lit en poussant un grand cri.

- En vous roulant ainsi, vous allez abîmer le grand noeud de votre ceinture ; tenez-vous tranquille, que j'en finisse avec vous! dit Melville en ricanant.

Le caractère féroce de cet homme était écrit sur sa figure ; c'était un satyre naturellement cruel, il me martyrisait en véritable artiste.

- Vous allez sauter en l'air comme une danseuse (un autre coup de cravache m'était infligé). Maintenant, à l'autre jambe, pour qu'elle ne soit pas jalouse ; il ne faut pas que deux jambes, destinées à être toujours ensemble, et qui pendant des heures n'ont qu'à se regarder, vivent en mauvaise intelligence.

Et il riait aux éclats, ainsi que les femmes de chambre.

- Oh ! Monsieur Melville! de grâce, laissez-moi, dis-je, les larmes aux yeux.

Francine elle-même vint à mon secours, mais non par affection :

- Si vous la faites pleurer, elle ne sera plus jolie et vous savez fort bien que Miss Elsie veut qu'elle soit la plus parfaite et la plus admirée à l'exposition.

Enfin il s'arrèta :

- Je punis parfois mes mannequins plus sévèrement que cela, dit-il, en me regardant de ses yeux féroces, et je vois avec plaisir que je n'ai pas abîmé vos jolies formes.

Il m'aida à me mettre debout, tira mon gilet et mon habit, arrangea ma ceinture et me conduisit encore une fois par le bout de l'oreille devant le coussin qui était resté sur le tapis.

- Maintenant, à genoux, Miss Adrian...

Je regardai autour de moi : les femmes souriaient avec satisfaction ; combien je regrettais d'avoir été si hautain avec les domestiques et si peu aimable avec Miss Barrow ; sa main, en pinçant mon oreille, me rappela à la réalité et je tombai à genoux. II plaça mes pieds l'un à côté de l'autre ; mon humiliation lui causait un plaisir extrême.

- Suis-je bien ainsi, demandai-je. humblement.

- Très bien, et qu'avez-vous encore à me dire ?

- Je vous suis très reconnaissant de m'avoir mis un corset de femme, dis-je tout bas !!

- Cela suffit.

J'eus à subir une inspection finale, l'un arrangea ma cravate blanche, l'autre frotta mes souliers. avec un mouchoir de soie ; on tirait bien ma culotte ; enfin Francine se déclara satisfaite :

- Vous pouvez maintenant aller au salon, dit-elle en ouvrant la porte.

Je sortis dans le corridor. Il se passa quelque chose d'étrange : en quittant la chambre, je sentais encore les brûlures de la cravache, mais je n'étais pas arrivé à l'escalier que je n'éprouvais plus aucune douleur. Le plaisir que j'avais à marcher sur mes hauts talons était extrême, et la sensation du corset serré était voluptueuse ; j'étais ravi de sentir mes jambes, qui jusqu'à ce jour avaient été couvertes d'un grossier pantalon habillées d'une soie dont le bruissement était une musique délicieuse à mes oreilles. J'adorais mes gants de femme, mon vêtement de velours et surtout l'éclat et le scintillement de tous les boutons et boucles en diamants. Pour la première fois, je compris tout le plaisir que peut éprouver une jolie fille à se savoir luxueusement habillée. Le grand noeud qui fermait ma ceinture par derrière m'enchantait ; il donnait si bien la note efféminée qui convenait.

J'étais anxieux d'être présenté à Elsie et à ses amies, je m'attendais à beaucoup de compliments. Mais je n'étais pas prêt encore : Francine ouvrait la porte en disant :

- Miss Adrian, vous avez oublié votre éventail !

- Mon éventail ?

- Oui, le voici.

Il était charmant, orné de peintures du XVIII" siècle, incrusté d'ivoire et d'or.

- Il faut porter cet éventail ?

- Oui, c'est le désir de Miss Elsie.

- Je le pris, l'ouvris et le fermai nerveusement.

Un éventail ! l'arme des jolies femmes!! Rien ne pouvait être mieux en rapport avec la rose de mes cheveux, ma taille serrée dans un corset et mes jolis souliers à hauts talons.

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