Une saison sur Boréa
Par Carine.
Chapitre VI
Cette fois je me réveille normalement. Je suis dans mon lit, un oreiller moelleux sous la tête, des draps tièdes sous mon menton. Je me love dans cette douceur avant d'entrouvrir les yeux.
Je ne suis pas chez moi !
_ Bonjour, mademoiselle.
Une jeune fille brune me regarde, avec un sourire bienveillant, elle est légèrement maquillée et elle exhale un parfum très frais, elle est vêtue comme une femme de chambre dans ces pièces de théâtre de boulevard qui passaient parfois à la télévision : un tablier blanc à bavette et bretelles à falbalas, une robe bleu clair et une petite coiffe blanche sur son chignon. Elle me présente deux pantoufles avec un petit talon, qu'elle dépose sur le tapis, à côté de mon lit, je vois que le tablier est serré dans son dos avec un énorme nœud. Je comprends que je dois me lever, j'écarte donc les draps soyeux et pose mes pieds dans les pantoufles, je porte une longue chemise de nuit blanche à dentelles et bouffants, je me retrouve debout, toute surprise.
_ Je dois vous coiffer et vous maquiller, mademoiselle.
Elle m'indique une coiffeuse en bois vernis avec un miroir enchâssé dans un montant en or, les poignées des tiroirs semblent aussi être du même métal, je regarde autour de moi avant de m'asseoir dans le siège capitonné de velours : Des fleurs sur les meubles, des tableaux de factures très classiques, représentant des paysages au ciel orangé, des poupées et des peluches, une fenêtre entourées de lourds rideaux à embrasse. Je me trouve bonne mine dans le miroir, pas de cerne, un joli teint peut-être dû à la lumière teinté d'orange de la chambre.
_ Comment vous appelez-vous ?
_ Sophia, mademoiselle.
Il me semble que mes cheveux sont plus beaux aussi, sous la brosse, plus blond, plus vigoureux, plus épais. Elle me coiffe sans aucune brutalité, défaisant les nœuds avec douceur puis pour la première fois de ma vie, je suis maquillée. Du fond de teint très léger, du fard gris et du bleu sur mes paupières ; un mascara bleu qui semble doubler la longueur de mes cils ; du rouge sur mes lèvres qu'elle redessine avec un crayon plus sombre. Je me sens comme une petite princesse dans un conte de fée baigné de lumière orange.
_ Vous voilà prêtes pour le petit déjeuner, mademoiselle.
Je la suis dans ce que je suppose être la cuisine, je remarque que ma camériste porte des collants à couture très rétro ainsi que des bottines à talons aiguilles qui me semble vertigineux. Elle marche pourtant avec assurance et tranquillités, la nuque bien droite sous son chignon et sa coiffe.
_ Bonjour mademoiselle.
Une femme plus âgée, vêtue de la même manière mais avec une robe blanche, m'accueille dans l'office, elle me sert du lait chocolaté dans un bol en porcelaine décoré de fleurs bleues, une cuillère en argent finement travaillée est posée à côté du bol ainsi que des viennoiseries typiquement françaises.
« Mais où sommes-nous ? »
Le lait est à l'exacte température qui convient à mon palais, les croissants sont délicieux et contrairement à mes craintes, le rouge a lèvre ne tache pas la porcelaine. Je suis dans un rêve.
_ Le Duc et la Duchesse vous attendent dans le salon, mademoiselle.
J'ai l'impression que le rêve va se terminer. Cette fois, c'est en tremblant que je marche derrière elle dans un couloir, Elle ouvre une porte en bois, visiblement elle n'entrera pas avec moi dans le salon.
_ Bettine !
Boris est là et semble lui aussi radieux, il est tout aussi transformé que moi, mais dans une épaisse robe de chambre bleue et tout à fait opaque alors que la mienne joue avec les transparences et les dentelles. Il rougit d'ailleurs avant de me serrer contre lui, ce que je trouve un peu exagéré. Je rougis à mon tour en voyant que nous ne sommes pas seuls dans le salon.
_ Bonjour Bettine, bienvenue parmi nous. Je suis le professeur Calmette et voici mon épouse, Carine.
_ Bonjour. Dis-je d'une petite voix.
Je suis très intimidé.
_ Prenons place, nous avons à parler, il me semble.
C'est le même professeur que celui que j'ai aperçu lors des mes rares instants de lucidité, pendant ce que je suppose être ma convalescence. Il porte un élégant costume intemporel, sa femme est une véritable beauté, alors que j'avais déjà trouvé les femmes de chambres extrêmement belles. Le professeur semble avoir la soixantaine mais le visage de son épouse est lisse pourtant je la devine du même âge. Elle est maquillée avec un soin extrême, ses longs cheveux blancs très fournis cascade jusqu'au creux de ses reins. Elle porte un tailleur noir qui semble être en cuir ; la jupe très moulante et longue l'enserre de la taille jusqu'à mi-mollet, sa taille semble incroyablement fine, ses ongles sont très longs, vernis de rouge, elle porte des diamants autour de chacun de ses doigts, des escarpins aux talons encore plus haut que ceux des servantes font paraître ses pieds minuscules, comme dans un écrin.
_ Alors, Bettine et Boris, d'où venez-vous ?
_ Je n'en suis pas certain, d'une autre planète je suppose.
_ J'ai soigneusement examiné l'épave de votre véhicule, ce n'est pas un engin spatial.
_ C'est une machine quantique, elle est sensée voyager dans le temps et non dans l'espace, nous étions en mille neuf cent quatre-vingt-trois lors de notre départ.
_ Bien, vous êtes très intelligent, jeune Boris, Avez vous un moyen de retourner chez vous ?
_ Il faudrait que je comprenne où nous nous trouvons puis que je reconstruise ma machine quantique.
_ Vous avez voyagé dans l'espace et dans le temps. Vous êtes sur la planète Boréa, la date n'a pas grande importance, cela peut être le passé ou le futur de votre planète.
_ Pourtant vous êtes humains comme nous ?
_ En effet, votre patrimoine génétique semble très proche du nôtre, mais j'ignore si vous pouvez vous reproduire ici.
_ Je ne comprends décidément pas. Se renfrogne Boris.
_ Et vous, Jeune Bettine, que pensez-vous de cela ?
Encore une fois la timidité me rattrape, je rougis donc en répondant.
_ J'aimerais, d'abord, vous remercier de nous avoir sauvé la vie à tous les deux.
_ Vos remerciements sont les bienvenues.
_ Ensuite j'aimerais comprendre pourquoi nous parlons votre langue.
_ Cette question est pertinente. Il me faut reprendre depuis le début : Il y a quinze jours, nous avons détecté une activité ionique anormale dans le secteur 7 de la grande forêt, bien au-delà de la barrière de protection. Cette portion dépendant de nous et craignant une attaque des Barbares, j'ai envoyé une patrouille d'éclaireur sur place. Ils ont retrouvé l'épave de votre engin grâce à sa radioactivité atypique, ainsi que votre trace, lors d'une partie de chasse organisée par le lieutenant. Les militaires sont friands de ce sport dangereux.
_ Vous voulez dire que nos isotopes ne sont pas les mêmes que les vôtres ? Le coupa Boris.
_ Non, mon jeune ami, vous êtes réellement un extraterrestre pour nous. Vous étiez tous les deux dans un très mauvais état physique, nous vous avons ramené ici, dans ma résidence d'été pour vous soigner et vous inculquer notre langue.
_ Pourquoi avons-nous été assommé lors de notre sauvetage ?
A l'hésitation de Boris, je compris qu'il aurait dit capture tout aussi volontiers.
_ C'est un delta qui vous à retrouver, ce sont de braves gens incapables d'initiative réelle, il applique les consignes, vous ne pouviez vous exprimer dans notre langue, il vous a envoyez une bonne dose de rayon paralysant.
_ Des deltas ?
_ Je vais laisser mon épouse répondre à vos questions, je dois m'entretenir de votre sort avec le Conseil.
_ Qu'allez vous nous faire ?
Le professeur parti dans un grand éclat de rire.
_ A pire rien, c'est à dire vous trouvez une place parmi nous, au mieux vous renvoyez chez vous.
Pour la première fois l'épouse du professeur ouvrit la bouche.
_ Notre société est divisée en classe. En fonction des capacités intellectuelles vous vous retrouver à un poste élevé ou au contraire simple servante. Pour facilité les choses, la couleur des cheveux reflète la classe, les bruns sont en bas de l'échelle, les roux au sommet, les blonds viennent en second puis les châtains.
Je regardais mes cheveux d'un blond éclatant puis la coiffure rousse de Boris.
_ Mais c'est... Commença à s'emporter Boris.
_ La reproduction naturelle nous est interdite, de cette manière notre société conserve son équilibre.
_ Interdite par qui, Madame ? Demandais-je.
_ Par les Atlans.
Le professeur rentra dans le salon à ce moment là.
_ Le Conseil a pris sa décision, Jeune gens.
_ Arrêtes de jouer avec les nerfs de ces enfants, Albert, ils sont sur des charbons ardents.
_ Bien, vous êtes désormais nos pupilles, étant donner les capacités cognitives exceptionnelles de Boris, il intégrera un cours spécial de l'armée quant à Bettine, je la laisse à vos bons soins, ma chère.
_ Cela semble pour le mieux, mon cher, Bettine me semble capable de devenir une vraie Comtesse.
_ Il y a une condition. Boris doit mettre toute son énergie dans la conception d’une machine capable de les renvoyer chez eux et si possible y parvenir avant que les Atlans ne viennent s'interposer.
Voilà qui était clair, nous étions les bienvenus mais à condition de repartir bien vite.
A suivre...
Une saison sur Boréa Ch. V Une saison sur Boréa Ch. VII
Retour aux textes Retour page d'accueil