Une saison sur Boréa
Par Carine.
Chapitre VIII
A midi, nous déjeunons en terrasse si le temps le permet. Les servantes nous servent enfin avec les attentions dues à notre rang, par contre gare à la punition si nous nous tâchons où si nous ne nous servons pas correctement des couverts et des verres. Le fait de porter un bâillon éviterait ce genre de risque s'il n'était pas ôté par une surveillante avant le repas. Reste la difficulté de la minerve. En fin de repas, nous absorbons chacune trois pilules. Soi-disant pour faciliter l'action des appareils à apprendre, je pense plutôt que ce sont des drogues anesthésiantes pour nous éviter de devenir folle.
L'après midi n'est que la répétition de la matinée, les cours cessent à quatre heures, la classe est réunie avec le professeur principal, qui dans ce cas est une Baronne blonde, alors que le reste du corps enseignant est composé d'hommes ou de femmes châtains. Elle porte une robe magnifique et semble tout à fait digne de figurer dans la cour impériale. Le classement des punitions est établi avec une sanction immédiate. Pour une fois je m'en tire plutôt bien et j'abandonne sans regret le bâillon. Les filles qui ne sont pas punies peuvent faire ce qu'elles veulent, par contre au moins une élève par chambrée doit faire le ménage de la chambre ; comme c'est toujours moi et que je le fais correctement, ma popularité peut s'expliquer auprès de mes trois amies.
Pour le dîner, nous avons le droit de bavarder, il est donc toujours très animée. Mes trois camarades venant du royaume barbare, je tente d'en savoir plus sur celui-ci, sans aucun succès, comme si elles souffraient d'une amnésie complète de leur vie avant l'institut. Venant de la terre, je n'ai pas plus envie de leur raconter ma triste vie d'avant. C'est horrible à dire, mais je ne regrette ni mes parents ni quoi que ce soit. Si Boris n'arrive jamais à nous faire rentrer chez nous, c'est tant mieux. Nous bavardons donc de nos nouvelles passions : la vie à la cour impériale et les potins de l'école.
L'institut est un ensemble de bâtiment, dans le style impérial, c'est à dire sobre dans ses lignes, mais ornées de mille détails comme les immeubles classiques des années dix-huit cents à Lyon : des avancées, des balustrades, des statuts d'animaux ou de personnage mythologique. Les formes sont plus arrondies que droites. L'intérieur est vaste et luxueux pour la petite centaine d'élèves que nous sommes. Garnis de tapis, de tentures, de mosaïques illustrant des scènes de chasse ou de guerre le plus souvent, des guerres à l'ancienne : à l'épée et à la lance. Les meubles sont en bois sombre, souvent soulignés d'incrustation en or, tout cela fait très début de siècle avec des touches de modernismes étonnantes : Si les instruments ménagers sont électriques, il n'y a pas de fil, tout semble se transmettre par radio, même l'énergie.
Avec la nuit tombante, vient un froid plutôt glacial, il faut se dépêcher de rentrer. Assez curieusement, une surveillante vient me chercher pour une dernière obligation avant de pouvoir être délacé pour la nuit. Tous les soirs, une élève est tirée au sort pour punir la dernière du classement, c'est à dire, invariablement Sandra depuis un bon mois. Et ce soir, c'est mon tour. Je promets de tout raconter à Dorine, à Laureen et à Jade puis, je marche derrière la surveillante en me demandant comment cela se passe.
Nous trouvons Sandra debout, les rênes attachées à la rambarde d'un escalier, à l'étage du bureau de la directrice de l'institut, ce qui me met plutôt mal à l'aise. Je n'ai vu qu'une fois cette femme blonde à mon arrivée ici, et rien que le souvenir me glace d'effroi.
_ Conduisez la, Mademoiselle.
Finalement très intimidée, je saisis les rênes, je donne une petite impulsion et instantanément elle commence à marcher devant moi, je tire un peu sur une rêne pour qu'elle prenne la bonne direction et emboîte le pas de la surveillante.
Je suis subjuguée, Sandra marche à petits pas gracieux, dans la limite de ce que lui permet la longueur de la chaîne qui entrave ses chevilles, le port altier et impeccable. Ses fesses légèrement rougies par les coups de cravache reçus dans la journée se déhanchent aimablement. Son tour de taille semble un défi à la nature des choses. Elle obéit à chacune de mes sollicitudes sur les rênes avec une bonne volonté et une confiance étonnante. D'une secousse, je la fais s'arrêter alors que la surveillante nous ouvre la porte du bureau de la directrice. Je pense que je suis beaucoup plus terrifiée que Sandra.
_ Notre petite terrienne, Entrez, Bettine.
Je fais une révérence, la directrice est une marquise. Elle est debout devant son bureau, Elle porte un tailleur en cuir, fort similaire à celui de Carine, la duchesse du Septrion, l'épouse du professeur Calmette. Ce qui me surprend le plus, ce sont les piercings de son visage. Dans les années quatre-vingts, sur terre, cette pratique, devenue courante par la suite, était totalement inconnue. Sur Boréa, il est normal, dans la haute société, de rehausser la beauté de son visage, chez les femmes, par des mouches en or, qui sont des piercings dans les joues et au autour des lèvres, en fait. Elle porte un petit diamant sur l'aile de son nez, un petit anneau perce sa cloison nasale, portant lui-même une petite perle de nacre, même sa langue est ornée d'un bijou, des diamants sont incrustés dans certaines de ses dents. Le reste est plus classique : des escarpins noirs, vernis, aux talons vertigineux en argent, des gants noir, un chemisier blanc à jabot, des bijoux, des bas noirs à couture, ses cheveux coiffés dans de complexes chignons. Mon coeur bat la chamade, je me demande ce qu'il va m'arriver.
_ Alors, notre planète vous plait ? Me demande t-elle gentiment, avec un grand sourire.
_ Oh oui ! Madame la marquise.
_ Tu es charmante, viens ici que je t'embrasse.
Un peu rougissante, je m'approche d'elle, elle me saisit, me love contre elle, contre sa poitrine, son parfum m'entoure, ses doigts gantés touchent mon visage et ma taille, elle pose ses lèvres sur les miennes, comme ça, son haleine fraîche et parfumée passe dans ma bouche, comme sa langue qui entoure la mienne, je sens distinctement le bijou qui la transperce.
C'est la première fois que l'on m'embrasse. Et je m'attendais à tout sauf à cette indicible douceur. La présence de ses lèvres sur les miennes me manque déjà... Une petite tape sur mes fesses me ramène à la réalité.
_ Que penses-tu de Sandra ?
_ Elle est magnifique et très courageuse.
_ En effet, elle intégrera l'institut de formation des servantes impériales en sortant d'ici, elle sera au chevet de l'impératrice, de la reine et des princesses avec le rang d'archiduchesse. Mais pour l'instant nous devons la punir.
Elle saisit les rênes et l'entraîne sans égard pour ses entraves dans la pièce attenante à son bureau où trône un gibet : Assemblage de bois précieux, de métal et de sangle pour maintenir le cou et les poignets de la pénitente tout en exposant le fessier. Avec le professionnalisme de l'habitude, la directrice libère les bras de Sandra pour les entraver dans le gibet au niveau de son cou. Le buste ployé, penchée en avant, cambrée malgré tout à cause du corset, les jambes bien droites, elle nous expose ses fesses déjà meurtries par la journée. La marquise me présente un martinet à manche en ivoire.
_ Douze coups au minimum.
Je ne sais pas comment faire, mes premiers coups sont hésitants et maladroits, je ne sais pas comment doser la force, à chaque fois, Sandra gémit malgré son bâillon : elle se cabre dans son carcan, ses fesses se crispent dès que les lanières sifflent dans l'air et se détendent après l'impact, évidemment je prends de l'assurance et je trouve finalement la situation très plaisante, C'est par un effort de volonté que je m'arrête en contemplant les zébrures qui décorent maintenant son fessier. Un peu honteuse, je regarde la directrice en quête d'approbation ou de reproche.
Elle me sourit.
_ C'est très bien, Bettine, tu peux retourner dans ta chambre.
Evidement je ne raconte pas le baiser à mes camarades de chambre.
A suivre...
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