"Suivez-moi ! " M'ordonne Mademoiselle Bertine
Je la suis à petit pas, douze, c'est mieux que treize, mais c'est encore trop haut pour moi.
On descend au sous-sol du château, dans une grande salle voûtée. Au centre une colonne de pierre, surmontée d'une poutre horizontale. Elle est fixée sur un axe en haut de la colonne et peut donc tourner.
"Approchez ! Je vais vous attacher."
Je m'avance, et elle m'attache les poignets à une chaîne reliée au bout de la poutre. Mademoiselle s'éloigne et actionne des leviers sur le mur d'en face. La poutre tourne lentement, c'est un carrousel, je suis entraînée par les chaînes qui me forcent à marcher, à tourner en rond dans ce carrousel.
"Parfait, ainsi, vous ferez vos exercices de marche. Estelle viendra toute les demis heure pour votre pause. Chaque après-midi, après les quelques heures de marche, je vous conduirais sur le parcours, et j'augmenterais la hauteur de vos talons, quand vous maîtriserez vos douze centimètres."
Mademoiselle Bertine sort de la salle et me laisse seul, à marcher en rond.
Je n'en peux plus, mes chevilles sont douloureuses, la pointe de mes pieds aussi. Je tremble sur mes horribles talons. Heureusement, Estelle entre avec un tabouret. Elle arrête le carrousel et je peux me reposer.
"Ho comme ça fait mal. Merci Estelle."
"Tu te plains et tu n'as fait qu'un quart d'heure de marche. Mademoiselle Bertine m'a demandée de venir te voir régulièrement. Elle n'est pas certaine que tu es capable de progresser rapidement avec tes talons."
"Je te promets de faire des efforts, mais c'est difficile, et douloureux."
"C'est pénible pour toi, parce que tu n'as pas suffisamment marché avec des chaussures correctes. Voilà le résultat de ta paresse. Maintenant, tu dois rattraper le temps perdu."
"Oui Estelle, je te promets de faire des efforts."
"Je n'ai pas besoin de ta promesse, le carrousel t'obligera à marcher en talons. Bien la pause est terminée, lève toi, je vais le remettre en marche."
"Mais je viens à peine de m'asseoir..."
Elle ne m'écoute pas et l'engin redémarre. Je suis obligée de me lever de marcher lentement, enchaînée à la poutre qui tourne, et tourne encore...
Le soir, je suis épuisée par ces marches sur la pointe des pieds. J'attends avec impatience les préparatifs du coucher. J'en suis même à désirer être suspendue par les poignets, pour mes ablutions et le changement de mon corset. Un moment de soulagement pour mes pieds, un moment de libre respiration.
Estelle me conduit vers mon lit, je m'y écroule.
"Je m'occupe de Gwendeline et je reviens te voir."
Un quart d'heure plus tard, Estelle aide Gwendeline à se coucher à mes côtés. Mais avant de mettre en place les couvertures, elle part chercher dans la grande armoire quelque chose...
Des bottines équipées de sangles et sans talon. Elle m'enfile les deux bottines, et serre les lacets, ce qui cambre mes pieds. Il y a à l'arrière de chaque bottine, une tige métallique terminée par une sangle qu'elle attache au-dessus de mes chevilles. C'est très pénible, cela me force les pieds à se cambrer encore plus, la pointe des pieds tirés fortement en arrière.
Ma tendre amie subit le même sort. Pour elle aussi, c'est pénible, je le remarque surtout au moment où Estelle serre la sangle au-dessus des chevilles.
Deux jours d'entraînement intensif avec des talons de douze centimètres et les pieds maintenus très cambrés en permanence. C'est très dur, mes pieds m'obsèdent, plus encore que mes corsets toujours très serrés.
Le troisième jour, je me sens un peu plus à l'aise sur mes talons. Je commence à me tenir droite, sans trembler, les pieds bien posés, bien cambrés.
Mademoiselle Bertine est arrivée dans nos appartements. Elle veut constater mes progrès, en me faisant marcher de long en large dans le salon. Gwendeline doit aussi passer le même examen. Elle semble satisfaite de notre démarche, de notre posture.
"Je vois que vous avez progressé, surtout Gwendoline. Encore quelques jours avec des talons de douze centimètres et ensuite, on augmente d'un demi-centimètre. Et c'est valable pour vous deux mes jolies poupées."
On est deux à tourner en rond sur nos hauts talons. L'après-midi, parcours en extérieur. Descente des escaliers du perron, marche sur des dalles bien plates, puis le chemin de gravier. Le retour vers le château se fait par un autre chemin, avec d'autres épreuves, d'autre difficultés. On aborde un plancher de bois où il faut être attentive de ne pas coincer un talon aiguille entre deux planches. Un petit pond, avec une montée plus facile, ou nos pieds sont moins tendus, mais une descente ou c'est l'inverse. Estelle insiste pour que l'on garde les jambes bien droites, malgré la pente qui me donne l'impression d'être poussée en avant. Je donne la main à Gwendeline et on descend ensemble, très lentement, mes chevilles tendues au maximum.
Retour sur le plat. Estelle nous fait traverser la pelouse, tondue comme un green. On ne peut plus porter notre poids sur les talons qui s'enfoncent dans le sol. Cela nous oblige à se tenir sur la pointe des pieds, sans l'aide de nos talons.
C'est vite fatigant. Estelle s'en rend compte et nous conduit vers le château.
Retour dans nos appartements. Gwendeline me dit :
"Ma chérie, pour moi aussi, c'est pénible, même si j'ai plus l'habitude des talons que toi."
"Sans les entraînements, je n'aurais jamais pu faire ce parcours. Mais on n'a même pas fait le petit parcours complètement."
"Oui, et j'ai entendu Bertine dire à Estelle de préparer des chaussures avec des talons de douze centimètres et demi."
"Ho. Déjà..."
Gwendeline me dit encore.
"Oui, et elles veulent que l'on fasse le parcours avec des corsets qui descendent à mi-cuisse. Marcher sur un chemin plat avec un corset long, c'est possible, mais comment monter les escaliers, si on est serrées jusqu'aux cuisses."
Les informations de Gwendeline m'inquiètent. Je repense à notre séance d'essayage, la robe qui tombe bien, mais avec des talons de treize centimètres, et le long corset qui fait partie de la robe, au décolleté presque indécent.
"Tu te rappelles la séance d'essayage. La robe avec un grand décolleté, et qui est tendue sur le buste, la taille et les hanches. Dessous, un corset long, qui pousse la poitrine vers le haut. J'avais l'impression d'être nue, offerte. Il serrait atrocement la taille, mais aussi les hanches les cuisses."
"Oui ma chérie, on pouvait presque plus bouger, seulement marcher à petit pas, et impossible de s'asseoir."
"Et on devra porter des escarpins aux talons très fins et hauts de treize centimètres. Comment participer à un bal, si on ne peut pas bouger. Tu t'imagines danser dans ces conditions."
On passe la soirée à discuter, jusqu'au moment où Estelle vient nous préparer pour la nuit. On dort corsetées et les pieds fortement cambrés par nos entraîneurs qu'Estelle nous obligeait de porter toutes les nuits.
Le lendemain, tenue corset court et étranglé à la taille, Jupe courte et nouvelle chaussure une peu plus haute. On est prêtes pour le petit déjeuné, avant la séance d'entraînement.
Je craignais le pire, mais non, je supporte bien le demi-centimètre supplémentaire. Je suis heureuse de me sentir bien avec des talons aussi hauts. J'adore me sentir grandie en portant des talons. Simplement, je n'étais pas entraînée à marcher sur la pointe des pieds. Il y a un monde entre des talons de sept ou huit centimètres et des talons qui dépassent les douze centimètres. En fait, mes difficultés ont commencé quand j'ai porté des talons au-delà des neuf centimètres.
L'après-midi, Estelle nous conduit sur le parcours. Je me sens vraiment bien. J'essaye autant que possible d'avoir une démarche élégante, marcher sur une seul ligne droite, à petits pas. Estelle est heureuse de nos progrès, et nous conseille sur notre attitude, comment positionner nos bras en marchant, comment gérer le balancement du bassin entre les mouvements dû à la hauteur des talons et la contrainte du corset.
Gwendeline, ma poupée, ma soeur, me regarde avec tendresse. Je la sens heureuse que je puisse marcher avec élégance. Moi, je l'admire et essaye de me tenir comme elle avec autant de grâce.
Il y a trois semaines que l'on s'entraîne à marcher avec élégance.
Le jour est arrivé avec dans les bras d'Estelle les nouvelles chaussures. Bien sûr, on le savait, les talons font treize centimètres de haut. C'est énorme... Estelle sort les chaussures de la boite et nous explique en les montrant.
"Mes merveilleuses poupées, vous allez comprendre pourquoi la nuit, je vous ai imposé ces bottines spéciales d'entraînement qui vous cambraient aussi fortement vos pieds. Avec des talons "Raisonnable", votre pied est incliné de plus ou moins trente degrés, les très hauts talons cambrent vos pieds d'environ soixante degrés. Au-delà, c'est impossible sans entraînement. Avec ces chaussures, on va bien plus loin, et vos pieds devront se tenir verticalement. Tellement cambré, que vos talons aiguilles toucheront presque la pointe de vos pieds. Cela les force dans une cambrure forte, comme celle des ballerines."
Les chaussures que nous présente Estelle, sont, en effet, étranges. Le talon est presque collé contre la semelle avec la position du pied complètement vertical.
Je dois m'asseoir pour qu'Estelle change mes chaussures. Je sens dans le creux du pied une pression de la semelle. La semelle est rigide, et impose sa forme à mes pauvres pieds.
"Oui, ma belle, la semelle et le talon sont faits d'une seule pièce de métal. Aucun risque de casser ou tordre ses talons."
Elle serre la fine lanière de la chaussure au niveau de mes chevilles. Elle serre très fort.
"Attends pour te lever. Met tes pieds au sol, talons et pointes des pieds bien posés."
Je dois tâter le sol de mes pieds avant de trouver la bonne position. Je dois forcer sur la cambrure.
"Voilà Mademoiselle, c'est bien comme cela ? "
"Oui, je vais te soutenir pendant que tu te lèves. Doucement et garde bien tes pieds en position."
Je me redresse lentement, la tension sur mes pieds de plus en plus forte en me redressant. Une fois, debout, Estelle doit me soutenir. J'ai de gros problèmes d'équilibre. Les talons sont tellement rapprochés de la pointe de mes pieds, que je n'arrive pas à me stabiliser. J'ai peur de tomber en avant. Estelle me conduit vers le dos d'un siège. Je peux ainsi me tenir au dossier pour ne pas basculer en avant ou en arrière.
C'est au tour de Gwendeline de porter ces chaussures. Elle a les pieds plus souples que les miens, mais une foi debout, Estelle doit la soutenir et les premiers pas sont difficiles.
Bertine est impatiente, elle demande à Mademoiselle Estelle de s'occuper de moi, et elle s'approche de ma jumelle.
"Posez votre main sur mon épaule, oui très bien, je vais marcher très lentement, vous me suivrez. Dans un premier temps, vous prendrez appui sur moi. Mademoiselle Gwendoline, faite de même avec Mademoiselle Estelle."
Je prends appui le plus légèrement possible sur l'épaule de Mademoiselle Estelle et on commence la promenade dans le salon. Lentement, à tout petit pas délicat. Je dois faire attention à bien poser le pied, le talon, et aussitôt la pointe du pied. Chaque fois que je pose la pointe du pied au sol, cela tire sur l'avant, c'est tendu, à la limite de mes articulations. De plus, je dois poser le pied bien droit, sous peine de me fouler la cheville. Estelle me met en garde sur la posture des pieds quand je dois prendre appui dessus. Marcher ainsi perchée, demande une extrême attention, des précautions à chaque pas. Je repense à ce qu'Estelle nous avait dit au sujet des bottines à cambrer qu'elle nous imposait la nuit.
Maintenant, je comprends la nécessité d'un tel entraînement. Sans cela, je ne serais pas capable de marcher dans ce salon autour de la table. Après le cinquième tour, Mademoiselle Bertine nous demande de continuer à marcher, mais sans aucun appui. J'ai peur de tomber si Estelle n'est plus à mes côtés. Pourtant, cela ne se passe pas trop mal. C'est difficile, délicat et demande une concentration permanente sur la posture de mes pieds. Je suis surprise de n'en sortir aussi bien.
En fait, le plus difficile, c'est de s'arrêter, de rester immobile. Les chaussures sont très étroites et la distance entre le talon et la pointe du pied, est trop petite. Je n'ai pas d'assise, et les pieds aussi cambrés, m'empêchent de trouver l'équilibre. Je dois piétiner sur place pour ne pas tomber.
L'île des Sylphides II
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