L'école de Mademoiselle

— Je suis la directrice de cet établissement, Mademoiselle Blanche De Caylus.

Elle regarde une feuille.

— Bien qui est Patrick ? Il lève la main.

— Et donc vous être André !

— Oui Mademoiselle Blanche.

— Vous m'appellerez Mademoiselle De Caylus. Suivez-moi !

Mademoiselle De Caylus, nous entraîne vers la gauche en direction d'un petit-bois distant de quelques centaines de mètres. Le petit-bois est en fait une haie haute et dense de thuya. On se dirige vers un portail marqué par trois grandes lettres "C.R.F." et dessous en plus petit "Centre de Rééducation Féminine."

— Mademoiselle Claudia ! Vous pouvez ouvrir la grille. S'il vous plaît.

Une jeune dame arrive en courant à petits pas rapides. Elle nous ouvre avec une clef qu'elle porte attaché à une chaînette.

La grille s'ouvre sur un grand espace vide. Sur le côté, un bâtiment bas tout en longueur.

— Installez ces deux jeunes hommes dans deux chambres séparées. Et vous les enchaînez au mur.

— Mais Madame, même en prison, on n'est pas enchaîné !

— Mademoiselle, je vous prie ! Vous devez m'appeler Mademoiselle De Caylus.

— Bien Mademoiselle De Caylus.

Elle me répond.

— En prison, les murs sont hauts et les cellules verrouillées. Ici, c'est plus libre... de temps en temps...

Ma chambre est propre, pas très grande, un lit simple, une table, une armoire, et même une gravure au mur. Cela ressemble à une chambre d'hôtel, mais sans fenêtre.

Une chaîne pend au-dessus du lit. Elle est terminée par un collier métallique que Mademoiselle Claudia me fixe autour du cou.

— Désolée, c'est le règlement. La chaîne est assez longue pour vous déplacer dans la chambre, mais pas plus. Déshabillez-vous !

— Mais Mademoiselle... Devant vous ?

— Ne soyez pas ridicule, déshabillez vous entièrement !

Je m'exécute en lui tournant le dos. Elle prend tous mes vêtements et les enferme dans un petit coffre fixé dans le mur. Je n'ose pas lui faire face, c'est vraiment trop gênant...

— Ils resteront enfermés dans ce coffre. Je suis certaine que vous vous en souviendrez. Ils resteront là, inaccessible pour vous. Le jour ou vous pourrez les porter, sera le jour de votre retour en prison.

Et elle sort en fermant la porte à clef.

Je reste seul. Le temps est long. Je vais fouiller un peu. L'armoire à trois portes. La première est une penderie, mais vide. La deuxième donne sur des étagères, vide aussi. Et la troisième découvre une petite bibliothèque avec des romans, des livres plus précieux et plusieurs étagères avec des revues, des journaux.

Je fouille dans les beaux livres. Il y a "l'Histoire de la mode" Le livre catalogue d'un défilé de haute couture. Des livres parlant de chaussures féminines, un livre sur les bals à Vienne de nos jours. Toute une collection de livre parlant de mode, de maquillage, de coiffure, et même un vieux livre intitulé "l'histoire du corset à travers les âges" par un certain Léoty.

Dans les journaux, il n'y a que des revues féminines. Et les romans sont tous des histoires d'amour, de romantisme, d'histoires à l'eau de rose.

Bon, pas de télé, pas d'ordi, que cette bibliothèque pour jeune fille rêveuse.

Sur la table de chevet, un petit livret avec pour titre "Bienvenue au Domaine des Sylphides"

Sylphide... J'ai lu ce nom en entrant.

Je m'ennuie seul dans cette chambre presque vide. Alors je lis le fascicule "Domaine des Sylphides ", c'est une pub pour un hôtel de luxe, ou il n'y a que des suites. Les prix sont exorbitants, et les suites vont de 3 pièces à tout un étage privatisé de l'hôtel. Elle parle aussi des logements réservés au personnel de l'hôtel ou de la cliente. Bizarre, en fait dans la préface, il est indiqué que cet hôtel est interdit aux hommes !!!

Il y est question aussi d'une école dans une annexe près de l'hôtel. Quatre pages décrivent cette école, la E.S.C. soit, École Supérieur des Caméristes.

Et sur l'avant-dernière page deux lignes pour présenter le C.R.F. "Centre de Rééducation Féminine." C'est tout, pas plus d'infos. Je suis donc dans ce C.R.F. trois ans d'éducation féminine m'attendent. La liberté ensuite, mais trois ans. C'est long, moins que mes douze ans de prison. Et cette violence dans cette prison. Comment je serais dans douze ans, indemne, estropié ou décédé ?

Je dois tenir ces trois ans. Ce sera de toute façon moins violent, sûrement beaucoup moins violent. Je l'espère...

Mesdemoiselles Blanche De Caylus et Claudia entrent dans la chambre. Je suis nu, c'est très embarrassant.

Mademoiselle Claudia pose un plateau-repas sur la petite table. Mademoiselle Blanche De Caylus se tourne vers moi.

— Je vous dois quelques explications. Notre Reine Eugénie a demandé au ministre de la femme, de mettre au point un programme de rééducation spécial. Dans ce but, j'ai créé le C.R.F. "Centre de Rééducation Féminine." Vous avez été choisi pour suivre ce programme avec un autre prisonnier. Sachez que vous n'êtes pas les premiers. Sachez également, qu'il y a très peu de candidats qui terminent le cursus. Sans effort de votre part, ce sera très vite le retour en prison.

Je sens que j'ai peu de chances. Je risque de retourner en prison, ou que la rééducation sera difficile.

— Mademoiselle, je ne comprends pas, je suis un homme.

— Vous vous appelez André, il me semble. Jeune homme, c'est les dernières semaines que l'on vous appellera ainsi.

Je ne comprends rien à cette histoire de nom, j'ai toujours été appelé André, ou est le problème ?

— Dans un premier temps, vous suivrez une première instruction très légère. Sachez, que votre comportement et votre volonté de suivre cette formation, seront jugées. Ce sera déterminant pour la suite de votre formation, ou au contraire, pour votre retour en prison.

Instruction légère ! J'ai peu être une chance de rester.

— Dans un mois, votre surveillante décidera de poursuivre votre formation ou de l'abandonner et de vous renvoyer en prison.

Dans trois mois, vous devrez vous soumettre à un nouvel examen que je présiderais. Si vous êtes accepté, vous pourrez décider d'abandonner ou de continuer.

Vous pouvez aussi abandonner avant ce délai.

Attention ! Toute décision de votre part ou de la nôtre sera définitive.

— Je ne veux pas retourner en prison. Mais en quoi consiste cette formation, pourquoi faire ? Que voulez-vous me faire apprendre ?

— Pas uniquement vous apprendre, mais vous transformer profondément en femme élégante.

— Mais c'est impossible, je suis un homme, pas une fille.

— En effet très peu réussissent. Regardez le portait au mur. C'est celui de votre prédécesseur dans cette chambre. Il, elle a été la seule de sa promotion à terminer la formation.

Portait de fin de stage

J'avais bien vu ce portait d'une femme si élégante, si fascinante. Comment imaginer qu'elle, qu'il... non elle, comme elle est belle. C'est impossible que je lui ressemble un jour...