Demain, je devrai me présenter devant Mademoiselle Blanche De Caylus. Claudia m'a prévenue qu'aujourd'hui, sera consacrée à des essais. Je suis encore couchée quand elle entre dans la chambre.
Elle me demande si je suis prête à me lever.
— Oui mademoiselle, mais je vous en prie, soutenez moi.
— Bien, mais avant, je dois te chausser correctement. Lève le pied !
Je lève ma jambe droite, Claudia m'enfile un bas au reflet bronzé, avec un dessin sur le côté. Elle le tend bien et le fixe aux deux jarretelles du corset. Même opération pour ma jambe gauche. Ensuite, une paire de chaussures blanches à talons aiguilles.
— Attention, tu as l'habitude de porter des talons de dix centimètres, mais ta posture et ta marche vont être modifiées par la rigidité de ton corset. Alors, soit prudente.
Elle m'aide à me lever. Je suis rigide, droite, perchée sur mes talons, si fin, si instable. Elle a raison, mes premiers pas sont délicats. Le corset m'empêche de trouver mon équilibre avec mes talons. Je dois me concentrer, garder cet équilibre avec le buste parfaitement droit.
Elle me conduit devant un grand miroir. Je vois... une femme à la taille fine, coiffée et maquillée comme pour une soirée mondaine. Une femme en corset avec une poitrine forte, poussée artificiellement vers le haut.
Mademoiselle Bertine me sort de ma rêverie. Elle me fait porter un chemisier blanc à manches longues, terminées par des dentelles, et un haut col de dentelles. Elle y ajoute un foulard, ou plutôt une cravate de dentelles blanche, qu'elle noue autour de mon cou avec un noeud sophistiqué. Ensuite, une jupe droite noire, qui descend assez bas, sans cacher mes pieds et mes talons. Elle ne s'évase qu'à partir des genoux, et me serre les cuisses ensemble. Ensuite, une large ceinture de cuir, mettant en valeur ma taille sévèrement corsetée. Je dois porter une veste ouverte. Elle ressemble à la veste d'un smoking homme, mais plus court, et plus ouvert devant. Même couleur que la jupe, sauf le revers du col en soie doré et luisant.
L'ensemble est sévère, austère. Presque pas féminin, comme un homme un peu trop précieux. Mais mes talons hauts, ma coiffure, mon maquillage lèvent le doute. Les quelques éléments pouvant appartenir à un homme ont été féminisés. C'est presque anachronique tout en restant élégant.
Claudia me conduit vers le miroir. J'y vois une femme très belle, qui se tient droite, un peu rigide, et bizarrement cambrée. Une élégance troublante.
Je suis comme dans un rêve. Cette femme dans le miroir, qui est-elle ? Elle est étonnante, attirante. Je suis subjugué par son allure, son visage au regard intense, et sa silhouette, sa taille si étroite, étranglée. Comment peut-elle supporter de se serrer ainsi ?
Je lève ma main et la femme dans le miroir fait le même geste. Je n'y crois pas, je bouge un peu, elle fait de même. Je ne me reconnais pas. Et pourtant, c'est bien moi dans le miroir. Mais non, les yeux ce ne sont pas les miens, ils sont tellement maquillés. Ma bouche, je n'ai pas des lèvres comme ça. Ce rouge intense me transforme tellement. Même la forme de mon visage est transformée par cette coiffure qui m'encadre le visage et cette lourde franche... qui me fait une tête de poupée. C'est absurde ! Pourtant, la tension de mes pieds, de mes chevilles me rappelle que je porte des talons aiguilles. Mon ventre dur, rigide, ma respiration si courte me rappelle aussi que je porte un corset très serré.
Demain, je dois rencontrer Mademoiselle De Caylus, qui doit prendre une décision à mon sujet. Claudia m'a conseillé de réfléchir à ma réponse. Pour que je reste, Mademoiselle De Caylus doit l'autoriser, mais je dois aussi donner mon accord formellement. Je suis dans l'incertitude. Claudia m'a prévenu que peu de candidat sont acceptés par Mademoiselle De Caylus.
— Et toi, qu'en penses tu ? Veux-tu rester dans ce Centre de Rééducation ?
— Je ne sais pas, c'est bizarre et troublant. Mais je ne veux pas retourner en prison.
L'école de Mademoiselle I
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