Avec quatorze électrices et trois candidates, Angélique risquait fort de ne pas être élue. La situation avec douze, est encore plus critique. Au vu des renseignements que j'ai pu réunir, Lydie récoltera au moins quatre votes. Et si Sylvie cristallise les rancoeurs contre sa rivale, elle risque de rassembler beaucoup de voies et d'en priver ainsi Angélique. L'idéal est qu'Angélique remporte au moins quatre voies, ou idéalement cinq.
Verdict : demain en fin de matinée.
On doit se lever très tôt ce matin.
C'est, une journée, particulier. Une journée préparée depuis trois mois intenses, qui va marquer notre vie en profondeur et aussi superficiellement hi hi.
Mademoiselle Estelle et Coralie s'affairent autour de nous.
— Vous avez de la chance, nous sommes deux pour vous préparer. Dit Estelle.
— On doit vous aider à porter l'uniforme de l'école. Mais avant, je vais changer votre corset.
Estelle et Coralie, nous installent sous la barre de laçage. Le corset de la veille est enlevé, ablutions rapides et massage du buste, de la taille. De suite, laçage du nouveau corset. Il me remonte la poitrine, et descend assez bas sur les hanches. Bien sûr, busc devant long, plat et rigide, et ma taille fortement étranglée, jusqu'au moment où je commence à avoir vraiment des difficultés pour respirer.
J'entends alors le souffle court d'Angélique. Elle aussi porte le même corset, mais depuis notre accord, elle est serrée aussi fort que moi.
Mes bas bien tendus par des jarretelles accrochées au corset. Chaussures à talons bien sûrs, mais talons aiguilles haut de douze centimètres.
— Vite ! Dit Estelle. Le maquillage et la coiffure demandée sont longs à réaliser.
Aussitôt dit, aussitôt installées, chacune devant sa coiffeuse. Estelle s'occupe de maquiller Angélique et c'est Coralie qui me maquille.
En effet, c'est long. Fond de teint très pâle, épais, ultra lissé matifier. Joue délicatement rosées, mais les yeux massivement maquillés. Les paupières très ombrées. Faux cils immenses, et assez gênants. Ils sont lourds, me font cligner des yeux. Lèvres rouges vif, un peu sombres, parfaitement dessinées.
Je ressemble à une poupée, avec ce teint de porcelaine, les yeux et les lèvres très intenses, artificiels. Angélique à le même visage que moi. C'est assez troublant de se ressembler à ce point.
On frappe à la porte de la chambre. Deux jeunes filles portent chacune, une grande boite. Elles les déposent sur la table, et repartent. Estelle ouvre la première boite et en sort... Une énorme perruque blonde. Elle se tourne vers moi et me dit.
— Ma Chère Béatrice, comme tu vas être belle avec cette coiffure.
Je suis sans voix. Après une préparation de mes cheveux naturels, Coralie aide Estelle à installer cette énorme coiffure. Elle est plus large que mes épaules, formée de grandes boucles qui s'étalent dans le dos, autour de mon visage avec en plus une franche épaisse et longue qui recouvre mon front. Je me sens comme engloutie par cette masse de cheveux, de larges boucles. Mon visage parait plus petit au milieu de cette coiffure sophistiquée. Angélique est coiffée de la même manière. J'essaye de là voir, mais mes cheveux m'empêchent de regarder sur le côté. Avec la rigidité de mon corset, je suis obligée de me lever et de me tourner vers elle. C'est impressionnant, je la vois de profil et je peux ainsi admirer la masse de boucles blondes qui enveloppent sa tête, et cascadent dans le dos. Sa coiffure est vraiment énorme. Elle me donne l'envie de la caresser. Je sens la douceur de mes cheveux qui me caressent le visage au moindre mouvement de la tête.
C'est très excessif, mais, étrangement, sans oser l'avouer, j'adore...
Juste à ce moment de répits, cet instant où Angélique me découvre, ou je la regarde, fascinante incroyable. Un visage très maquillé, enfoui dans cette masse de cheveux. On frappe de nouveau à la porte, Angélique se retourne. On regarde les deux jeunes filles, qui portent une masse de tissus, de dentelles.
Estelle leur indique de poser le tout sur le lit. La table est manifestement trop petite.
Estelle nous place dans la chambre, le long du plus grand mur. À un ou deux pas du mur et largement espacées l'une de l'autre.
— Ne bougez plus de votre place s'il vous plaît ! Avec Coralie, on va vous faire porter les jupons de la robe. Ils sont assez volumineux et doivent être parfaitement placés, sans faux plis, et bien étalés.
Le premier est épais, il ne s'étale pas beaucoup et descend au niveau de mes genoux. Par contre, il fait des volutes et forme une couronne de dentelles autour de mes jambes.
Ensuite, Estelle et Coralie attachent ce premier jupon à la taille d'Angélique.
Elles reviennent vers moi, avec un deuxième jupon, plus large, avec des dentelles encore plus volumineuses.
Un troisième, un quatrième... Je sens le poids de ces jupons qui s'étalent largement, presque à l'horizontale.
Mais Estelle et Coralie apportent un cinquième jupon... C'est le plus large, le plus épais. Partant de ma taille, il s'étale à l'horizontale, le dessus est comme un disque plat, recouvert de dentelles vaporeuses. Vue de face dans le miroir, les cinq jupons forment une demi-sphère, une énorme demi-boule, de laquelle sortent mes jambes si fines, si longues par la magie des talons très hauts.
Estelle nous dit.
— On est en avance, la robe n'est pas encore livrée. En attendant, je vous propose de vous exercer à vous déplacer. La robe est très large, et vous ne pourrez pas voir vos pieds, ni où vous les poserez. Essayer de vous déplacer dans la pièce, sans rien renverser. Prendre la mesure de votre robe dans des environnements étroits.
Hum oui, bien sûr... J'essaye d'avancer, mais en effet, je ne vois pas où je pose les pieds. Me tourner fait gonfler mes jupons, avec le risque d'accrocher quelque chose. Je dois me déplacer lentement, tourner lentement et m'écarter des murs, des tables, de tout en fait.
On frappe de nouveau à la porte. C'est la livraison des robes. Elles sont en satin rose et bâti d'une seule pièce. La jupe s'étale parfaitement sur mes jupons. Le rose de la robe, s'accorde merveilleusement avec la blancheur de mes énormes jupons le bustier très décolleté se ferme dans le dos par un laçage, qui plaque le bustier contre mon corset. La finesse de ma taille est bien mise en évidence avec une ceinture de satin très large, très serrée.
Dernière retouche de maquillage, et de la coiffure. Sans oublier la touche finale, Estelle prend plaisir à nous asperger de parfum. Angélique et moi, on porte le même parfum, le même maquillage, coiffure, même robe et nos corsets sont serrés à la même taille. Même... Identique... Semblable. Je suis troublée par notre ressemblance. Je m'avance vers elle. Lui prend les mains. Nos robes nous séparent, nous éloignent l'une de l'autre. Je voudrais l'embrasser. Impossible sans gâcher notre maquillage. Impossible avec des robes aussi larges.
Un flash du passé me revient... Un souvenir de l'époque où j'étais encore un jeune homme. Ou je ne savais pas me maquiller, ou je ne connaissais pas la pression du corset. Je ne savais pas que l'on pouvait se serrer autant, se réduire la taille à seulement cinquante-deux centimètres. Comment un jeune homme pouvait le deviner, l'imaginer...
C'est si loin. Je suis entourée de femmes merveilleusement belles. On est toutes identiques, toutes aussi belles... Moi aussi...
Quelqu'un fait sonner une cloche dans le couloir.
— MESDEMOISELLES !!! PRÉPAREZ-VOUS !!! VOUS ÊTES ATTENDUES DANS LA GRANDE SALLE DE RÉCEPTION !!!
— Venez ! Suivez-moi. Dit Estelle.
Je veux prendre Angélique par la main. Elle est loin de moi, nous sommes séparées par nos jupons, notre robe. Je dois la laisser passer devant moi. Impossible de franchir la porte ensemble avec nos robes trop larges.
Je suis Angélique à petit pas. Les talons sont très hauts et très fins, très instables. Chaque pas, me cambre, me tend la cheville. On doit descendre un escalier. Nos robes ne sont pas seulement encombrantes, elles nous empêchent de voir où l'on pose le pied. Dans le couloir, au sol plat et régulier, tout va bien, mais les escaliers ! Je ne vois pas la première marche. Je dois avancer prudemment en tâtant de la pointe du pied, à la recherche de la première marche. La descente de l'escalier est horrible. J'ai peur de trébucher de rater une marche. Je ne vois rien, juste le dessus de ma robe qui s'étale devant moi et sur les côtés.
Les dernières marches tournent pour déboucher dans un long couloir. Estelle doit me prendre la main, et me guider. Enfin, je peux rejoindre Angélique.
— Angélique, cet escalier est horrible avec nos robes.
— Oui Béatrice. Sans l'aide d'Estelle, je serais tombée.
Devant nous, tout un groupe de jeunes filles, avec des robes roses et larges qui forment comme un parterre de grandes fleurs mouvantes. Le passage dans les couloirs est épique. Nos larges robes encombrantes, nous entravent et on doit attendre pour s'engager dans le couloir. On est obligées de le traverser en file indiennes. C'est long, d'autant que nos talons nous empêchent de marcher normalement.
Ce qui devait arriver arriva... Une élève est tombée... Avec sa robe, elle ne peut pas se relever seul. On est coincées dans ce couloir. Mais comment l'aider ? On n'a pas la place pour se déplacer et puis comment se baisser avec ces énormes jupons et le corset qui nous entrave.
J'aperçois Mademoiselle Coralie qui essaye de se frayer un chemin entre ces robes et ces jupons qui encombrent ce maudit couloir. Sa progression est lente. On est bloquées depuis un moment, perchées sur de très hauts talons. Immobilisées sur place par nos robes encombrantes qui occupent toute la largeur du couloir. J'étouffe sous ma lourde coiffure. Mes pieds commencent à me faire mal. Je voudrais sortir de ce piège. Je me sent si faible, si engoncée, bloquée de toute part.
J'aperçois Estelle et Claudia à la sortie du couloir. Avec d'autres collègues, elles inspectent chaque élève avant de les autoriser à entrer dans la salle.
Les filles devant moi, commencent à avancer lentement. C'est mon tour d'avancer à petit pas. Par précaution, on sort une par une. Impossible d'être deux de front avec nos robes tellement larges. C'est peut-être psychologique, mais je respire mieux en sortant de ce couloir qui débouche sur une grande salle. Je suis inspectée par les collaboratrices de Mademoiselle Claudia.
Après cette inspection minutieuse, je peux enfin m'avancer librement dans la salle de réception.
Je regarde à ma droite, ou est placée, Angélique, et à ma gauche, et plus loin... C'est troublant, nous sommes toutes identiques. C'est au point que je n'arrive pas à faire la différence entre mon amie et trois ou quatre élèves ayant la même stature. Le seul indice qui me reste est la finesse incroyable de la taille d'Angélique, une taille aussi étranglée que la mienne. Je crains que dans quelques mois, beaucoup d'entre nous auront la même silhouette, et cachée sous un maquillage épais, coiffé de manière strictement identique, même bijoux, même robe, même chaussures, et même parfum... Je serais dans le même cas... Comment Angélique pourra me reconnaître parmi les élèves, au milieu de poupées strictement identiques.
Une dizaine de filles, en robe rose, aux énormes jupons sont alignées devant une estrade, au fond de la salle.
Mademoiselle Blanche De Caylus monte sur l'estrade, accompagnée des responsables de l'école.
On est toutes sorties de ce couloir infernal, et on s'aligne devant la petite estrade où elle est installée.
— Mesdemoiselles ! Je vous félicite de la réussite de votre examen. Vous êtes douze élèves à être acceptées dans cette nouvelle école. Vous faites donc partie de la première promotion. Ce succès vous donne un droit de vote pour élire deux leaders. Mon assistante, Mademoiselle Yolande va passer parmi vous avec une l'urne. Le résultat sera proclamé de suite après le vote.
L'urne nous est présentée pour le vote. Le dépouillement est rapide. J'espère tant qu'Angélique soit élue.
Mademoiselle Yolande annonce.
— VOTRE ATTENTION ! Est élue par 5 voies, Mademoiselle Lydie. Ainsi que mademoiselle... Angélique. Mademoiselle Sylvie n'a récolté que deux voies et n'est donc pas élue.
Égalité entre Lydie et Angélique. Cela promet des rivalités entre les deux élues. Le positif, est qu'Angélique soit élue.
Je veux féliciter ma chérie, embrasser ma tendre Angélique. Je me retourne pour... Mais ou est-elle. Je la cherche, je me déplace parmi les élèves, en fait des poupées si semblables. Je panique un peu de ne pas pouvoir la reconnaître. Mais ou est-elle
— Es-tu Angélique ?
— Non, je suis Nathalie.
Je la recherche encore.
— Es-tu Angélique ?
— Non.
— Es-tu Angélique ?
— Sûrement pas !
— Es-tu Angélique ?
— Béatrice ? Je ne t'ai pas reconnue.
— Angélique. Je suis soulagée de te retrouver. J'étais paniquée avec tous ces visages parfaitement identiques.
— Ma tendre Béatrice, je ne te trouvais pas non plus, nous somme toute très semblable. Il n'y a que Suzanne que j'ai repérée par sa petite taille.
— Angélique. Je te félicite pour ton élection. Je suis fier et heureuse pour toi. Tu vas pouvoir changer de robe, mais pas de corset. Je continuerais à te soutenir, à t'accompagner à chaque réduction de ta taille, à chaque nouvelle contrainte que tu t'imposeras... Que tu m'imposeras.
L'école de Mademoiselle II
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